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Missions, épisode 2

Encarnación

Les missions jésuites ne se sont bien sûr pas arrêtées aux frontières, puisque celles-ci n’existaient pas encore. Côté Paraguay, on en retrouve donc deux très bien conservées (car parmi les dernières à avoir été construites), Jesús de Tavarangue et La Santísima Trinidad. C’est un réel plaisir de déambuler parmi ces étonnants lieux chargés d’histoire, malgré le soleil de plomb (ne nous plaignons pas, il paraît que c’est l’hiver en Europe).

Toutes les missions étaient basées sur un même modèle architectural, on ne s’amuse pas à de folles exubérances au sein de l’église, l’efficacité prime. Au cœur du regroupement, une vaste place, ceinturée sur trois côtés par de longs bâtiments communautaires hébergeant les Guaranis (inspirés de leur habitat traditionnel). Au début ces maisons ne comportaient qu’une unique et vaste pièce, afin de loger l’intégralité d’une large famille. Mais à mesure que les Jésuites réussirent à convaincre les Guaranis des bienfaits de la monogamie, des cloisons apparurent… Sur le quatrième côté, l’église bien sûr, imposante et richement décorée. Le cloître attenant contenait les habitations des prêtres, l’école, et les ateliers d’artisanat, où travaillaient notamment les tailleurs de pierre, pour la plus grande gloire de Dieu. De l’autre côté de l’église, le cimetière, découpé en 4 sections égales : hommes, femmes, enfants, infants. Enfin en bonus, un peu à l’écart, la maison des veuves et des femmes de « mauvaise vie ». Aaah les joies du patriarcat…

Et donc que faisait-on dans ces missions ? Eh bien on taffait évidemment, pas de mystère. Et on priait pas mal aussi, cela va de soi. Les journées suivaient un rythme immuable, on ne se réveillait pas le matin en se demandant ce qu’on allait faire de beau aujourd’hui (bien sûr il y avait tout de même la surprise de découvrir quels évangiles allaient être lus à l’office…). Chaque famille se voyait assigner une parcelle de terre dont elle était propriétaire, mais se devait aussi de travailler sur des parcelles communautaires. Les Guaranis qui faisaient preuve d’un certain talent artistique se retrouvaient à tailler le bois ou la pierre plutôt que bêcher la terre, toujours ça de pris. Quant aux enfants, ils allaient à l’école, où ils apprenaient le latin, l’espagnol, la religion et les sciences, mais aussi la langue et la culture guarani. Car oui, c’est tout de même assez notable pour être souligné, contrairement à la mode coloniale de l’époque, les Jésuites n’ont jamais cherché à éradiquer la culture indigène, et ont au contraire encouragé sa préservation ! À noter aussi que les familles étaient libres de quitter la mission à tout moment et de retourner dans la forêt (ce que d’ailleurs bon nombre firent, l’adaptation à la « civilisation » étant quand même rude), prenant à nouveau le risque de croiser des bandes d’esclavagistes en maraude…

Voilà, une parenthèse de calme dans l’histoire tumultueuse du continent sud-américain. Ne restent que quelques vieilles pierres, pour rappeler aux touristes de passage que pour un temps, colons et indigènes vécurent dans la paix et le respect mutuel. Pas si fréquent.

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