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Montagnes de crânes

Samarcande

Tiens, si on s’intéressait d’un peu plus près à l’enfant chéri du pays, intimement lié à Samarcande, j’ai nommé Tamerlan.

Timour naît officiellement en 1336 (mais officieusement plutôt vers 1330) à Chakhrisabz, 80 km au sud d’ici, en plein Khanat de Djaghataï, l’une des quatre grandes divisions de l’Empire Mongol formé par Gengis Khan un siècle auparavant. Sa famille est justement vaguement apparentée au grand empereur, ce qui donnera rapidement des idées à l’ambitieux Timour. Dès qu’il peut monter à cheval, le brave garçon s’emploie à rançonner les voyageurs avec l’aide d’une bande de ruffians. À ce petit jeu, il finira par se prendre une flèche dans la jambe, ce qui lui confèrera le surnom de « Timour le Boiteux », à savoir « Temūr(-i) Lang » en persan, autrement dit Tamerlan. Aaaah ok !

S’étant fait une petite notoriété en tant que chef militaire, il commence à mener campagne pour le Khan en personne. Et ne connaît pas la défaite. À la mort du Khan, il n’est pas suffisamment bien né pour prétendre prendre sa place, mais en plaçant correctement ses billes, il obtient tout de même la Transoxiane, en gros les actuels Ouzbékistan/Tadjikistan. Dix ans plus tard, son influence a encore grandi, et grâce à un habile mariage, il peut enfin prendre la tête des Djaghataïdes. Ok, là on va pouvoir commencer à rigoler !

Son objectif est double : gouverner l’Empire mongol ainsi que le monde musulman. Il va donc s’y atteler pendant les 35 années qui vont suivre (jusqu’à sa mort donc), et n’aura de cesse de guerroyer. Pour au final se bâtir effectivement un beau petit empire : d’Istanbul à Delhi, d’Alexandrie à Moscou… À l’image de son modèle Gengis, il a une forte propension à raser les villes qui lui résistent, et à massacrer impitoyablement ses habitants. Son petit plaisir : faire de belles pyramides de têtes coupées. Ça a tendance à marquer les esprits… En revanche, contrairement à ses confrères dictateurs modernes qui s’échinent à emprisonner / tuer les élites pour se prémunir d’éventuelles rebellions, Tamerlan préfère préserver la vie des artistes et des lettrés. À qui il propose éventuellement d’aller bosser dans sa superbe capitale Samarcande. Après plusieurs dizaines d’années de victoires et de massacres, le vieux guerrier sera finalement vaincu par une violente pneumonie alors qu’il partait s’occuper de la Chine (coup de bol pour les Chinois). Et son corps sera enterré dans sa capitale chérie.

Tamerlan fut la parfaite synthèse de la barbarie mongole et du fanatisme musulman. On estime que ses victimes représentent en gros 5% de la population mondiale de l’époque (potentiellement jusqu’à 17 millions de personnes, mais bien sûr difficile à estimer précisément). Et contrairement à ses confrères dictateurs modernes, lui a le droit à de gigantesques statues le représentant, ainsi qu’à un splendide mausolée en plein cœur de Samarcande, où des centaines de touristes viennent se prendre en selfie chaque jour.

Anecdote : sur le tombeau de Tamerlan, on peut lire l’inscription « Lorsque je reviendrai à la lumière du jour, le monde tremblera ». Un médecin légiste russe a exhumé le corps en 1941, afin de tenter de reconstituer l’apparence du puissant guerrier. Deux jours plus tard, Hitler démarrait l’opération Barbarossa contre l’URSS. Quand en novembre 1942 le corps a finalement été à nouveau inhumé, en respectant les rites islamiques, les soviétiques ont remporté dans la foulée la bataille de Stalingrad. Ouf, le monde a eu chaud…

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