Samarcande
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le pouvoir des noms sur l’imaginaire. En ce qui me concerne, et depuis de nombreuses années, la simple mention de Samarcande suffisait à me faire saliver, me transportant instantanément dans l’âge d’or d’un Orient mystérieux et fantasmé. La ville me paraissait alors lointaine et inaccessible, il fallait probablement plusieurs semaines à dos de chameau pour atteindre ses portes, férocement gardées par de mutiques cavaliers armés jusqu’aux dents à qui on devait montrer patte blanche pour espérer rentrer. Bon, en pratique il y a un vol direct Paris-Tachkent, puis en 3 heures de TGV local vous arrivez en plein cœur de Samarcande. Les seuls gardes que vous verrez sont de sympathiques douaniers à l’aéroport, qui vous souhaiteront la bienvenue en Ouzbékistan. Ainsi va le XXIème siècle, et ce n’est pas forcément plus mal, même si l’imaginaire en prend un coup…
Avant de partir à la découverte de cette ville ô combien mythique, il est bon de connaître un minimum sa longue histoire. Comme par exemple le fait qu’il y a en réalité deux Samarcande ! La première cité a été fondée au cours du VIIIème siècle avant notre ère par les Sogdiens, un peuple antique d’artisans-commerçants sédentaires, qui subiront au cours des siècles la domination de nombreuses civilisations guerrières, mais qui garderont toujours leur identité propre ; c’est d’ailleurs notamment grâce à leur sens du négoce et à leurs bonnes relations de voisinage que les légendaires Routes de la Soie verront le jour.
Dès sa fondation, la ville, idéalement placée et intelligemment administrée, n’a de cesse de grossir. Elle verra défiler du beau monde dans ses murs : Alexandre le Grand (qui déjà s’émerveille devant la somptueuse cité sogdienne), l’empire séleucide, le royaume gréco-bactrien, l’empire kouchan, les Sassanides, les Huns Blancs, les Turcs Bleus (une période haute en couleurs), les Chinois de la dynastie Tang. Arrive l’islam via les Omeyyades, les habitants se convertissent, mais globalement cela ne change pas grand-chose, business as usual. Puis Abbassides, Samanides, Seldjoukides, Khwârezm-Shahs se succèdent. Et enfin, les Mongols. Le truc, c’est que Gengis Khan a pris la mauvaise habitude de raser tout ce qui a le malheur de se trouver sur son chemin. Samarcande ne fait pas exception. Fin de la ville numéro 1 en 1220.
L’histoire aurait plus ou moins pu s’arrêter là, mais en 1370, un autre conquérant psychopathe s’intéresse à la région : Tamerlan décide de faire de Samarcande sa nouvelle capitale, et repart de zéro en construisant une ville numéro 2 (toujours d’actualité), à quelques kilomètres de la première. En quelques décennies, elle deviendra l’une des métropoles les plus influentes du monde, économiquement, culturellement et intellectuellement, notamment sous l’égide d’Ulugbek, le petit-fils de Tamerlan. Mais nouveau revers du destin au XVIème siècle : les Ouzbeks débarquent dans le coin, et eux pour le coup préfèrent Boukhara. Reléguée au rang de ville secondaire, Samarcande décline lentement, et finit même par se dépeupler presque entièrement après une série de séismes au XVIIIème siècle.
L’histoire aurait plus ou moins pu s’arrêter là (bis), mais lorsque les Russes s’emparent de toute l’Asie centrale fin XIXème, ils décident de ressusciter Samarcande (comme quoi, ils n’ont pas fait que des conneries…). Bon, ce qu’ils ont construit eux est plutôt moche, mais au moins les bâtiments historiques ont pu être préservés. Et désormais, les touristes du monde entier peuvent profiter de la grandeur passée de cette ville légendaire au destin compliqué.


























Faut avouer que ça a l’air pas mal. Profite bien.
Moui c’est pas mal, les architectes ont bien bossé…
As-tu croisé Nasreddine ?
Seulement son âne. Il a une statue à Boukhara !