Lac Toba
Un fidèle lecteur de ce blog m’a récemment demandé si, à force de rencontrer des peuples, des cultures et des paysages tellement différents, je ne me sentais pas un peu perdu. La question est légitime. Il est vrai qu’il n’y a que peu de points communs entre un sâdhu du Rajasthan, un salary man tokyoïte et un cultivateur batak. Ou entre les sommets enneigés des Annapurnas, la frénésie de Hong-Kong et les plages paradisiaques des Perhentians.
Alors bien évidemment, il m’arrive parfois de me sentir très loin de chez moi, ou d’être pris d’une irrépressible envie d’un jambon-beurre-cornichons. Et ce serait mentir que d’affirmer me souvenir en détail de chacune des 100 péripéties quotidiennes que m’offrent ces vadrouilles. Pour autant, je pense que le cerveau humain est parfaitement apte à gérer ce défilement ininterrompu de nouveaux lieux, de nouveaux visages… Tout dépend peut-être de la posture du voyageur. Simple observateur, j’ai parfois l’impression de me fondre dans le décor, de n’être qu’un spectateur privilégié du Grand Théâtre du Monde. Pour les amateurs de cinéma, il est tout à fait concevable d’aller voir un film d’aventures un soir, puis un drame le lendemain, une comédie, de la science-fiction… Finalement voyager c’est un peu similaire, mais avec la possibilité de vivre le film de l’intérieur. Un matin on se réveille dans la jungle. Un autre dans le désert. Un troisième dans une métropole inconnue. Quelques gestes routiniers permettent d’ancrer ce nouveau postulat dans la concrète réalité : s’habiller, se brosser les dents, vérifier dans les news matinales que la Troisième Guerre Mondiale ne s’est pas déclenchée durant la nuit… On quitte alors sa chambre, et c’est parti pour un nouveau long métrage !
Une autre question se pose néanmoins : est-il préférable de découvrir le monde par petites touches, ou de le binge-watcher ?
Pour l’amateur de voyages ponctuels, tout est dans l’attente, la préparation. On fait monter la sauce. Puis viennent les deux ou trois semaines de dépaysement total, où l’on cristallise chaque moment, même les plus insignifiants, car la nouveauté est électrisante. Le temps est compté, alors on optimise, et on évite de passer 12 heures pénibles dans un bus public bondé. Au retour, tout n’est plus que nostalgie. Et dix ans plus tard, on aura tellement poli les quelques anecdotes à force de les raconter que l’on finira soi-même par s’interroger sur leur véracité.
Pour l’amateur de voyages au long cours, il ne peut guère y avoir de préparation, à part l’optimisation au gramme près du sempiternel sac-à-dos. Quant au programme, il se dessinera au fil de l’eau, au gré des envies et des rencontres. Passé l’excitation des premières semaines, on finit par tomber dans une sorte de sérénité blasée. Alors on prend son temps, on se laisse porter par le voyage, tout en sautant sur l’expérience nouvelle, à condition qu’elle ne soit pas trop onéreuse (je n’ai jamais croisé de voyageurs longue durée avec budget illimité, dommage, je serais curieux de savoir comment ils vivent la chose). Au retour, on s’enferme dans un certain mutisme, car après tout, comment raconter un an de sa vie ? Mais lorsque les conversations tournent autour des voyages, les yeux s’allument, et on devient intarissable, s’improvisant tour operator.
Évidemment j’ai légèrement grossi le trait. Je pense qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de découvrir le monde (alors qu’il y a bel et bien des bons et des mauvais chasseurs…). Dans tous les cas, qu’il soit ponctuel ou éternel, le voyage est un luxe qui ne concerne finalement qu’une petite partie de la population mondiale. Mais pour ceux qui ont la chance de partir, l’expérience, si elle est vécue pleinement, est l’un des plus grands plaisirs de l’existence, et offre souvent de véritables leçons de vie. Pourquoi alors s’en priver ?




























Plaisir de l’instant présent, c’est ça le vrai luxe ! Et on devrait pouvoir le vivre également en sédentaire, mais on pense toujours à ce qu’on peut, veut, doit, faire après !
La découverte te permet d’avoir l’esprit en alerte sur l’instant, un peu comme les petits enfants qui découvrent tout, et cela les met en joie en permanence.
YOLO (You Only Live Once) ! :p