Cannibales et chrétiens

Lac Toba

Vous le savez peut-être, mais l’Indonésie est loin d’être un pays homogène. Pour preuve, plus de 700 langues sont parlées à travers l’archipel ! Heureusement, le bahasa Indonesia, enseigné à l’école, est là pour homogénéiser le tout. Il en va de même pour les religions : si l’islam est largement majoritaire, protestantisme, catholicisme, hindouisme, bouddhisme et confucianisme sont aussi officiellement reconnus. D’ailleurs pour l’anecdote, jusqu’en 2015 il était officiellement interdit d’être athée !

Pourquoi cette introduction ? Eh bien parce qu’après un rapide passage à Medan (peuplé majoritairement par des Malais), me voici arrivé sur les berges du mythique lac Toba, occupées par les féroces Bataks.

Niché au cœur d’une majestueuse caldeira, véritable mer intérieure de 100 km de long, 35 km de large et 505 m de profondeur maximale, le lac Toba n’est rien de moins que le plus grand lac volcanique du monde. Celui-ci n’est d’ailleurs pas bien vieux (géologiquement parlant), la dernière grande éruption du supervolcan datant de 74 000 ans. Pas sans conséquences, puisque cela provoqua une baisse globale des températures terrestre de 6°C, une période glaciaire d’environ mille ans, et la division par deux de la population humaine de l’époque. Ah bah tiens, peut-être une idée pour limiter le réchauffement climatique en dernier recours ?

En tout cas le lac était là depuis un bon moment quand les Bataks, une tribu originaire des montagnes du nord de la Thaïlande et de la Birmanie, arrivèrent dans la région. La géographie des lieux était telle qu’ils vécurent isolés durant des siècles, et développèrent une forte identité culturelle qui fascina les premiers explorateurs européens de la région. Bon, ils avaient la vilaine habitude de pratiquer le cannibalisme rituel, et de passer une bonne partie de leur temps à se mettre sur la tronche entre villages rivaux. D’ailleurs ils ne construisaient pas de routes, pour ne surtout pas faciliter les déplacements ! Mais à côté de ça ils étaient lettrés, avaient développé une architecture bien spécifique, et étaient particulièrement doués pour la musique.

Pratiquant un animisme historique, les Bataks ont longtemps repoussé les tentatives d’islamisation venues d’Aceh, les voisins du nord amateurs de charia. Étonnamment, ce sont les messages de paix de missionnaires hollandais qui finiront par faire mouche. Peut-être n’en pouvaient-ils plus de guerroyer pour un oui ou pour un non ? En tout cas aujourd’hui chaque village possède son (ou ses) église(s), et on trouve même dans le coin la plus grande statue au monde de Jésus C. (enfin censément, elle n’est pas la seule à réclamer le titre…). Surprenant.