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Lettre d’amour et surtourisme

Agra → Delhi – 2 h de train (seulement !)

5 h 30. Il fait encore nuit noire, mais déjà des ombres furtives se pressent en direction de l’East Gate. Pour une fois, les conducteurs de rickshaws restent silencieux à leur passage, ils savent pertinemment où se dirigent ces lève-tôt. Mais il faut tout de même slalomer ensuite entre les faux guides qui annoncent divers tarifs délirants. Certains visiteurs poussent un soupir de déception en arrivant devant l’entrée, où une longue file d’attente s’est déjà formée. Et puis c’est le top départ, les portes s’ouvrent enfin ! Malheur à ceux munis d’un sac à dos, qui sera méticuleusement fouillé, dans une superbe anarchie à l’indienne : si vous ne jouez pas des coudes, vous avez de bonnes chances de rester coincé ici des heures. L’allée est traversée au pas de charge. À peine un regard à la première cour, où convergent les trois entrées principales. Il faut ensuite franchir Darwaza-i Rauza, le grand vestibule. Et le voilà qui se détache enfin dans l’aube naissante, gigantesque sépulture de marbre blanc d’une exquise beauté, presque irréelle : le Taj Mahal.

Vous avez ensuite deux possibilités : laisser l’émotion vous envahir face à ce qui est peut-être le plus beau monument du monde, déambuler paisiblement au milieu des superbes jardins dans un délicieux concert de pépiements, pénétrer avec dévotion dans le saint des saints, et admirer la finesse des gravures ; ou bien vous battre pour alimenter votre compte Instagram avec exactement les mêmes photos que les 25 000 touristes quotidiens. À vous de voir vos priorités. Sachant qu’à 6 h il y a déjà du monde. À 7 h il y a foule. À 9 h on vous marche sur les pieds.

Pour ceux qui viendraient d’une autre planète et ne sauraient pas exactement de quoi je parle, le Taj Mahal est sans doute le monument le plus célèbre d’Inde (et le plus visité). Le 17 juin 1631, Arjumand Bânu Begam, la troisième épouse de l’empereur moghol Shâh Jahân, décède en donnant naissance à son quatorzième enfant. Chose peu courante pour l’époque : l’empereur est dévasté, car il s’avère qu’il aimait sa femme plus que tout. Afin de lui rendre hommage, il décide d’édifier le plus beau mausolée jamais créé : le Taj Mahal. Sa construction débute en 1632, et durera une vingtaine d’années. 22 000 esclaves seront réquisitionnés pour ce chantier hors-norme, 1 000 éléphants, ainsi que des dizaines de maîtres artisans venus d’Europe et d’Asie centrale. Le résultat est, il faut bien le dire, plutôt classe. Shâh Jahân y sera inhumé à son tour en 1666, et les deux époux reposent désormais côte à côte pour l’éternité. Sous l’œil tantôt blasé, tantôt ému, de millions de touristes à la queue leu leu.

4 Comments

  1. Jean-Marie Perrot

    Je vois que le photographe qui sommeille en toi s’est régalé ! J’adore les premières photos avec personne dessus…tu as prévenu les gens de ne pas gâcher tes clichés ?
    La renommée du Taj Mahal ne semble pas usurpée en tout cas !

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