Pamukkale
Donc, Hiérapolis. Sur un plateau entre la colline du « château de coton » et des montagnes nettement plus imposantes, ce sont les Grecs qui posèrent ici les premières pierres vers -200, à l’instigation d’Eumène II, roi de Pergame, une autre grande cité antique plus à l’ouest (où je devrais passer dans quelques semaines). Pourquoi ? Eh bien pour les sources thermales évidemment, cela fait fort longtemps que les cures existent, sauf qu’à l’époque elles n’étaient pas remboursées par la sécu.
La ville passe assez rapidement sous autorité romaine, comme toute la région. Et puis en +60, c’est le drame, gros tremblement de terre, Hiérapolis est intégralement rasée. Qu’à cela ne tienne, on va reconstruire, mais en mieux. Moins d’un siècle plus tard, le thermalisme bat son plein, la ville compte plus de 100 000 habitants, et devient la capitale de la Phrygie ! Entretemps saint Philippe, l’un des Douze, va s’y faire lapider et crucifier en 80. Même si selon certains historiens, il serait simplement mort de vieillesse à l’âge très raisonnable pour l’époque de 87 ans. Mais bon, un saint se doit de mourir dans d’atroces souffrances, c’est la tradition qui veut ça… En tout cas sa tombe a bien été découverte assez récemment.
Et puis la ville devient catholique à l’époque Byzantine, dommage pour Philippe, trop avant-gardiste. Nouveaux bâtiments, on élève des cathédrales à la place des temples. Et bien sûr re-tremblement de terre au début du VIIème siècle, décidément. Qu’à cela ne tienne, on va re-reconstruire. Avec des normes antisismiques ? Nan, toujours pas ? Dommage. La ville est prise par les Seldjoukides à leur arrivée dans la région au XIIème siècle, et commence alors à lentement décliner jusqu’à se vider complètement. Lorsqu’un troisième séisme achève de tout détruire en 1554, il ne reste définitivement plus personne pour re-re-reconstruire.
Du moins jusqu’à ce que quelques archéologues s’intéressent au coin, se mettent à creuser un peu partout, et parfois à rempiler quelques pierres. Le résultat est ma foi plutôt impressionnant ! Le site est extrêmement vaste (forcément si c’était une ville de plus de 100 000 habitants…), et si toutes les habitations ont bien évidemment disparu, certains bâtiments publics demeurent en relativement bon état vu leur âge avancé : de larges portions des murs d’enceinte, deux portes monumentales, une belle allée qui se devait d’impressionner les visiteurs débarquant ici pour la première fois, la base d’un temple d’Apollon, quelques colonnes du Plutonium (non rien à voir avec une centrale nucléaire, c’était un célèbre sanctuaire dédié au dieu des Enfers, puisque d’une caverne s’échappaient des fumerolles saturées de CO2 dans lesquelles les prêtres sacrifiaient régulièrement des bœufs, sympa…), des thermes reconvertis en musée, et l’étonnant octogone du Martyrium de saint Philippe. Plus une immense nécropole servant à accueillir les riches malheureux pour qui l’eau thermale n’a finalement pas marché aussi bien qu’espéré… Et enfin un théâtre particulièrement bien conservé dont la scène a subi une très récente et spectaculaire reconstruction (on voit souvent les gradins mais plus rarement les scènes !).
Pour les amateurs de vieilles pierres, il y a donc largement de quoi déambuler des heures durant, dans des lieux quasi déserts, puisque les touristes se contentent pour la plupart de selfies sur les piscines en travertin, plus éventuellement quand même un petit saut au théâtre. Je ne vais surtout pas m’en plaindre…

