Konya
Une visite de la Turquie ne saurait être tout à fait complète sans assister au sema, une cérémonie proposée par les adeptes de la voie Mevlevi. Euh, ah bon ? Ok, si je vous dit un spectacle de derviches tourneurs, ça vous parle plus ?
L’histoire commence en 1207, avec la naissance de Muhammed Celâleddîn Rûmî. Le nom n’évoque sans doute pas grand-chose aux Occidentaux mécréants que nous sommes, mais l’homme va devenir le plus grand poète, penseur et théologien de son époque, influençant profondément le soufisme (à savoir la voie d’élévation spirituelle permettant de se rapprocher du divin par la purification de l’âme, tout un programme). Après avoir beaucoup voyagé à travers tout le Moyen-Orient et suivi les enseignements de plusieurs maîtres spirituels, Rûmî va se fixer définitivement à Konya, alors capitale du sultanat de Roum, pour y enseigner la loi coranique, et rédiger quantité de poèmes (plus de 100 000 vers, plutôt prolixe). Compliqué de résumer la vie du saint-homme en quelques phrases, mais le thème central de son enseignement étant l’amour, sa cote de popularité était conséquente. Il recevra d’ailleurs assez tôt dans sa carrière le prestigieux titre de Mevlânâ, « notre maître ».
Ce n’est qu’après la mort de Rûmî en 1273 que l’ordre Mevlevi fût officiellement fondé (à l’initiative d’un de ses fils, un petit malin), basé sur les enseignements du maître. L’ordre va assez vite acquérir un certain prestige, notamment pendant tout la période ottomane qui suivra. Avant d’être interdit par Atatürk, laïcité oblige. Puis réhabilité dans les années 50, folklore touristique oblige.
Ce qui rend la voie Mevlevi si célèbre à l’international est donc cette fameuse cérémonie, imaginée par Rûmî, où un groupe d’hommes vêtus d’un long vêtement blanc flottant se mettent à tourner rapidement sur eux-mêmes et autour de la salle circulaire, sur une musique lancinante. Tout le sema est extrêmement ritualisé et symbolique, le démarrage (avant les tournoiements) étant d’ailleurs très lent, à base d’inclinaisons et de prières, ce qui perturbe beaucoup de touristes adeptes de l’instantané, qui ne s’imaginent pas forcément que cette cérémonie est avant tout religieuse. Par exemple les bras sont initialement croisés sur la poitrine, mains sur les épaules, puis à mesure que le danseur prend de la vitesse, les bras s’élèvent, la main droite en direction du ciel, pour récolter la grâce de Dieu, la main gauche vers le sol, pour dispenser cette grâce à nous autres humbles mortels. Merci bien.
Personnellement j’ai beaucoup aimé cette cérémonie, qui avait quelque chose de très apaisant et de véritablement hypnotique. D’autant plus qu’il ne s’agissait pas ici d’un show pour touristes mais bien d’une véritable démonstration spirituelle faite par la confrérie de Konya, avec plus d’une trentaine de danseurs. En tout cas si notre monde tend à s’uniformiser et à s’aseptiser, il recèle encore d’étonnantes pratiques délicieusement déroutantes. Pour mon plus grand plaisir.


Mosquée toute vide ? Je croyais qu’on priait à toute heure du jour et de la nuit. Je suis déçu par la religion. Heureusement que certains tournent encore.
Eh non, on prie ici 5 fois par jour, ce qui est déjà pas mal : à l’appel du muezzin, la mosquée se remplit plus ou moins. Le reste du temps, c’est effectivement assez calme !
Dans quel sens tournent-ils ? Comment font-ils pour s’arrêter et dans quel état sont-ils ?
Ils tournent dans le sens anti-horaire. Ils s’arrêtent en ralentissant progressivement, lors d’un changement dans la musique, puis se rangent à reculons sur l’extérieur du cercle. Petite pause, puis ils passent à nouveau s’incliner à tour de rôle devant le maître de cérémonie, et c’est reparti pour un tour… Ils n’ont pas l’air d’être particulièrement désorientés, ça doit être l’habitude…
Bonjour Nicolas,
C’est maîtresse Anne ! Je n’ai pas engagé mes nouveaux élèves dans la découverte de tes périples, mais je savoure par procuration, grâce à toi, ces horizons qui font du bien ! Quelle chance d’avoir vu cette cérémonie des Derviches. Il me semble qu’il y a dans cette danse, certes religieuse, quelque chose qui d’une nature qui nous dépasse immensément. La danse en général a (pour moi) le pouvoir d’élever, mais là, je crois que c’est d’une puissance inouïe. Bonne continuation.
Bonjour Anne, ravi de voir que tu suis toujours mes pérégrinations, même sans tes élèves ! Oui les derviches semblent réellement entrer en transe lorsqu’ils démarrent leur danse, c’est effectivement assez puissant, cela se ressent dans la salle (surtout qu’ils étaient nombreux). Je te souhaite de pouvoir vivre ça aussi un jour !