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Explorateurs

Tromsø

À l’échelle de l’humanité, cela ne fait pas si longtemps que la dernière Terra incognita a disparu. Et l’on peut même désormais se balader avec la cartographie exhaustive de la planète au fond de la poche. C’est assez fou quand on y pense. Les intrépides aventuriers en quête d’inconnu et de postérité ont cédé la place aux hordes de touristes en quête de goodies Made in China et de selfies instagramables. La marche du progrès dirons-nous.

Au tournant du XXème siècle, il ne reste guère que les deux pôles à résister encore et toujours à l’humanité. S’engage alors une féroce compétition entre quelques grands explorateurs. Roald Amundsen est de ceux-là. Né en 1872 en banlieue d’Oslo, quatrième fils d’un armateur, on le destine à la médecine. Mais lui rêve d’exploration polaire, surtout depuis la traversée réussie du Groenland à skis de son compatriote Fridtjof Nansen. Il se lance malgré tout dans des études de médecine, mais échoue aux examens, sans doute pas très motivé. Ni une ni deux, il embarque comme marin à bord d’un phoquier (comme son nom l’indique, il s’agit d’un navire spécialisé dans la chasse aux phoques. Tromsø en héberge un célèbre, le MS Polstjerna, qui massacrera durant sa carrière la bagatelle de 100 000 phocidés…). Il participe quelques années plus tard à une expédition belge sur les côtes de l’Antarctique, où l’équipage restera bloqué par la banquise plus d’un an, ce sera le premier hivernage réussi dans la région, a priori sans trop de pertes humaines. En tout cas l’expérience ne fera que motiver encore plus le jeune Roald !

En 1903, il se lance dans sa première expédition personnelle : la quête du mythique passage du Nord-Ouest, permettant de relier l’océan Atlantique à l’océan Pacifique. Mythique car depuis la « découverte » de l’Amérique, tout le monde se casse les dents dessus… Amundsen achète à crédit un petit navire, le Gjøa, et prend la mer avec quelques potes juste avant d’être rattrapé par ses créanciers, ouf. Il lui faudra trois ans, mais le bougre va enfin réussir en 1906 ! Bon c’est vraiment pour l’exploit, car le passage ne sera pas vraiment exploité avant fort longtemps, étant donné sa dangerosité… Mais grâce au réchauffement climatique, des milliers de porte-containers pourront bientôt en profiter, youhou !

Il est désormais temps de s’attaquer aux choses sérieuses, le rêve de sa vie : être le premier homme à atteindre le pôle Nord ! Nansen, avec qui il s’est lié d’amitié, lui prête un navire, le Fram. Sauf que le temps de se préparer, le pôle est conquis en 1909. Mince alors. Changement de plan (dans le plus grand secret) : cap au sud ! Et sans traîner, car plusieurs explorations s’en sont beaucoup trop approchées à son goût. Il prend la mer en juin 1910, et ne prévient l’équipage du changement de cap qu’en cours de route, paye ton traquenard… Bon en tout cas vous vous doutez du résultat : nouvelle victoire pour Amundsen, qui est donc le premier homme à atteindre le pôle Sud, le 14 décembre 1911. Un petit selfie, et on rentre à la maison. Précisons que la réussite de son expédition tient notamment à l’utilisation de toutes les techniques apprises auprès des Inuits lors de son séjour dans le nord canadien, ça aide.

Roald est désormais une grosse star. Pour le fun il accomplira encore quelques exploits, comme le franchissement du passage du Nord-Est, puis le survol en dirigeable du mythique 90° N, devenant ainsi le premier homme à avoir atteint les deux pôles, beau gosse. Suite à quoi il décide de prendre une retraite bien méritée (il est toujours lourdement endetté, mais la notoriété lui donne un peu de répit).

Le 18 juin 1928, pour venir en aide à un pote porté disparu, il s’envole de Tromsø à bord d’un hydravion de la marine française. On ne le reverra plus. On suppose qu’il s’est écrasé quelque part dans les eaux glacées de l’Arctique, qui ont accueilli avec plaisir l’impudent qui avait osé les défier toute sa vie.

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