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Va-t-en-guerre

San Juan del Sur

Première journée d’exploration du Nicaragua : en grimpant sur une colline dominant le port de San Juan del Sur, je tombe sur les ruines d’un petit fortin, nommé par Google « la forteresse de William Walker ». Le nom me parle. Enquêtons un peu plus.

William naît à Nashville (Tennessee bien sûr) en 1824 au sein d’une famille relativement aisée. Il est le petit-fils d’un officier de la guerre d’indépendance des États-Unis, ce qui lui donnera sans doute quelques idées. Il s’avère être plutôt bon à l’école, part étudier la médecine en Europe, puis est reçu docteur à l’université de Pennsylvanie à 19 ans, il ne fallait pas un bac + 10 à l’époque… Il pratique un peu, mais ça ne le botte pas plus que ça, alors il se met à étudier le droit et devient juriste. Sauf que nan, visiblement ce n’est toujours pas ça, alors il devient journaliste. Non, non, non, je m’ennuie, que faire ? Tiens je sais, je vais partir conquérir l’Amérique Latine ! Et c’est ce qu’il fit.

Il commence en 1853 par le Mexique, la Basse-Californie plus précisément. Accompagné d’une petite armée de mercenaires (pas plus d’une cinquantaine d’hommes), il s’empare de la capitale régionale, et fonde la « République de Basse-Californie », dont il se proclame bien sûr président. Facile. Bon ça ne durera que 6 mois, et il est obligé de rentrer aux États-Unis après s’être pris une fessée par des Mexicains mécontents. Il y est alors arrêté, et jugé pour avoir mené une guerre illégale. Sauf qu’il est acquitté au bout d’un procès qui aura duré en tout et pour tout 8 minutes. Eh oui, car à l’époque les États-Unis sont en plein dans leur période « Destinée manifeste », idéologie calviniste selon laquelle le peuple américain a pour mission divine d’apporter la civilisation au reste du monde. Quitte à massacrer quelques indigènes au passage, dommages collatéraux. En tout cas ça colle bien avec le délire de Walker.

Encouragé, le jeune William porte désormais son dévolu sur le Nicaragua, alors en pleine guerre civile. Il s’associe avec la faction rebelle, débarque avec sa troupe à San Juan en 1855, et bat l’armée nationale à La Virgen, petit bled où j’ai dû changer de bus hier, à une trentaine de kilomètres de là. Puis il gagne la capitale, et se contente d’abord de rester dans l’ombre d’un président fantoche, moins risqué. Mais c’est surtout aussi nettement moins marrant, alors il finit par s’autoproclamer président après un simulacre d’élections. Son régime est même reconnu officiellement par le président américain de l’époque, Franklin Pierce, qui se dit qu’il pourrait en profiter pour faire du Nicaragua le 51ème État (enfin à l’époque il y en avait moins que ça)… Marrant comme l’histoire bégaye régulièrement. Pour faire plaisir aux Sudistes, Walker décide de rétablir l’esclavage, et impose l’anglais comme langue officielle. Mais son régime reste instable, et il finira par être renversé par une coalition des états voisins, menée par le Costa Rica. Retour à la maison en 1857, où il passe à nouveau par la case tribunal. Sa défense devant les jurés : « Vous préférez un Nicaragua esclavagiste et intégré aux États-Unis, ou alors un Nicaragua indépendant ? » Il est acquitté sous un tonnerre d’applaudissements.

Toutes les bonnes choses ont malheureusement une fin, et sa troisième expédition sera sa dernière : il tente cette fois le Honduras, partiellement contrôlé par les Britanniques, qui se disent que Walker risque de mettre encore le bordel et de contrecarrer leurs plans de percement d’un canal (qui ne verra finalement jamais le jour, ça se saurait…). Il est arrêté, remis aux autorités honduriennes, et fusillé en 1860, à 36 ans. Une vie courte, mais intense dirons-nous.

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