Medellín
Le centre historique de Medellín est loin de posséder le charme d’un Quito, ou l’atmosphère d’un Buenos Aires. À dire vrai, c’est même probablement le quartier le plus craignos de la ville. À tel point que lorsque je suis arrivé hier en milieu d’après-midi à mon auberge, et que j’ai voulu aller y faire un tour histoire de me dégourdir les jambes, les sympathiques gérants m’ont fait : « Hop hop hop, trop tard, tu iras demain ! » Trop tard ? Il est à peine 15 heures ! Oui mais c’est ainsi, ce coin de Medellín devient une sorte de zone de non droit lorsque le soleil commence à fléchir (n’oublions pas que nous ne sommes pas très loin de l’équateur, et que la nuit tombe toute l’année vers 18 h…). Prostituées, toxicos, bandidos, même les locaux ne s’y aventurent guère. C’est donc ce matin que j’ai pu découvrir les lieux, effectivement assez peu engageants, et c’est bien dommage, car la ville dégage malgré tout quelque chose. Le point d’orgue : la place Botero, où l’on peut trouver 23 superbes sculptures du célèbre artiste colombien. Un véritable musée à ciel ouvert. Et si l’on cherche un musée à ciel fermé, on trouve juste en face le Museo de Antioquia, qui contient la plus grande collection d’œuvres de Botero au monde, ainsi que tout un tas d’autres trucs. De quoi occuper largement une matinée.
L’après-midi sera consacrée à un tout autre lieu : la Comuna 13. C’est tout simplement la deuxième plus grande favela d’Amérique du Sud, où s’entassent à flanc de montagne plus de 160 000 personnes. Pourquoi aller là-bas me direz-vous ? La question est légitime, et il n’y a encore pas si longtemps, un gringo y mettant les pieds était assuré d’en repartir délesté de toutes ses affaires, voire de sa vie. La comuna est fondée dans les années 70 par des paysans fuyant les expropriations, car dans la campagne colombienne à cette époque, soit tu acceptes de bosser pour la guérilla, soit tu refuses, et dans ce cas tu n’as d’autre choix que de fuir la terre que tes ancêtres cultivent depuis des générations. Évidemment tes problèmes ne s’arrêtent pas lorsque tu débarques dans la comuna, ils ne font en réalité guère que commencer. En Colombie, tu ne trouves un job que si ton adresse correspond à celui-ci. Et quand ton adresse c’est « Quelque part dans la Comuna 13 », autant te dire que tes possibilités sont limitées. Ce qui arrange bien la guérilla et les cartels, qui eux peuvent recruter à bon compte… Mais en 2002, le gouvernement lance l’opération Orion, histoire de « nettoyer » la comuna de ses éléments indésirables. Et ils y vont franco, à coup de tanks et d’hélicoptères, le tout dans une zone densément peuplée. Évidemment il y a quelques dommages collatéraux, avec un large écart entre les versions officielles et officieuses. Mais au final l’opération est un succès. Puis quelques années plus tard, ils installent des escalators. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais ça a fait toute la différence. Car quelques gringos ont commencé à venir prendre des photos. Alors les résidents se sont dit qu’ils pouvaient essayer de leur vendre des trucs. Ils ont monté des boutiques, des bars, des restaurants, des plateformes pour instagrameurs… Ils sont devenus street-artistes au lieu de sicarios. De plus en plus de gringos ont débarqué. Et le doux bruit des dollars et des appareils photos a rapidement remplacé celui des pistolets automatiques. Alors ça fait désormais un peu favela sauce Disney, mais c’est malgré tout un superbe exemple de réhabilitation urbaine, et un formidable espoir pour des habitants qui n’ont connu jusqu’à ces dernières années qu’un quotidien de larmes.






























la pause des policiers devant la statue qui est derrière eux, c’est volontaire ?
C’est pas une statue derrière eux, c’est un bonhomme déguisé en une sorte de robot… :p