Nukus
Un tour d’Ouzbékistan « classique » consiste à atterrir à Tachkent, puis à enchaîner (dans un sens ou dans l’autre) Samarcande – Boukhara – Khiva, avant de revenir à Tachkent. Mais lorsqu’on a le luxe d’être moins contraint par des dates, pourquoi ne pas pousser encore un peu plus à l’ouest afin de découvrir la République du Karakalpakstan ?
Non inutile de chercher dans la liste officielle des pays reconnus par l’ONU, il ne s’agit que d’une « république autonome » d’Ouzbékistan (en fait la partie nord-ouest de l’antique Khorezm déjà évoquée). Avec tout de même son lot d’indépendantistes, réclamant ou bien l’indépendance (ça pour une surprise !), ou bien le rattachement à Moscou. Bon en théorie aucun risque pour que Vladimir décide soudainement d’y envoyer des troupes pour sauver les Karakalpaks des nazis ouzbeks (mais qui peut se targuer de connaître réellement les desiderata de Vladimir ?). Notamment car à part du sable, beaucoup de sable, il n’y a pas grand-chose à piller par ici… Du moins plus maintenant. Car jusque dans les années 60, la région était plutôt prospère (et ce depuis des milliers d’années), grâce à une agriculture rentable et durable basée sur l’irrigation dans le delta de l’Amou-Darya, et grâce à la pêche bien sûr. Mais la mort de la mer d’Aral a littéralement anéanti le Karakalpakstan, qui n’est désormais plus que l’ombre de lui-même.
Alors pourquoi donc venir se perdre par ici me direz-vous ? Principalement pour deux raisons. Déjà pour vérifier par soi-même qu’il est effectivement possible d’annihiler une mer intérieure. On a beau le savoir, et avoir vu les images satellites, être face à une gigantesque étendue de sable qui était encore recouverte d’eau à ma naissance, ça fait quelque chose… Et ensuite car, aussi surprenant que cela puisse paraître, le plus beau musée d’art d’Asie centrale se trouve ici. En effet, le brave Igor Savitsky, un peintre et collectionneur ukrainien du début du XXème siècle, a réussi à préserver de la censure stalinienne des dizaines de milliers d’œuvres de nombreux artistes de l’avant-garde russe, en les entreposant ici, loin des yeux inquisiteurs de Moscou. Petite déception car le musée, actuellement en travaux, n’expose qu’une infime fraction de ses collections. Néanmoins fascinant pour le côté historique.
Mais ce qui finalement est sans doute le plus plaisant dans cette courte halte à Nukus, c’est de se retrouver à nouveau loin des sentiers battus et des cars de touristes. Ici l’on redevient un objet de curiosité, régulièrement abordé par des Karakalpaks amusés et intrigués par votre présence dans ce bout du monde. Une belle conclusion pour ces vadrouilles exotiques dans cette Asie centrale si attachante.







