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Tout pour la soie

Marguilan

Me voici donc en Ouzbékistan, sans doute le plus célèbre et le plus touristique des –stan. Du moins la partie ouest. Car ici à l’est, au cœur de la vallée de Ferghana, les étrangers sont encore plutôt rares. Mais tout d’abord qu’est-ce donc que cette vallée évoquée à plusieurs reprises ? Eh bien il s’agit d’une petite zone fertile en plein cœur de l’Asie centrale (qui ne l’est par ailleurs qu’assez peu, fertile j’entends), d’environ 300 km de long pour 170 de large, cerclée de hautes montagnes, partagée entre l’Ouzbékistan au centre, le Kirghizstan au nord et le Tadjikistan au sud. Occupée depuis l’Antiquité, la vallée est aujourd’hui de loin la région la plus densément peuplée des –stan, avec plus de 11 millions d’habitants (soit quand même un cinquième de toute l’Asie centrale).

Au cours de sa longue histoire, Ferghana a vu passer dans le coin la plupart des grandes puissances mondiales, en tant que carrefour stratégique entre Orient et Occident : les Perses, les Grecs, les Chinois, les Arabes, les Perses à nouveau, les Turcs, les Moghols, les Russes… Du beau monde. Aujourd’hui néanmoins, la vallée est un peu une cocotte-minute livrée à elle-même, traversée de complexes frontières héritées de la période soviétique, avec bien souvent des minorités coincées du mauvais côté de celles-ci, provoquant régulièrement des affrontements interethniques. En prime, des décennies d’agriculture intensive (coton notamment), d’utilisation massive d’engrais et de mauvaise gestion de l’eau ont ruiné les sols et asséché la région. Plus les mafias locales qui se sont chargées d’accaparer ce qu’il restait à accaparer. Mais derrière ce tableau un peu sombre, pour le touriste qui viendrait faire un tour dans cette région désormais un peu oubliée du monde, après en avoir été au cœur, la récompense est dans la chaleur de l’accueil d’une population curieuse de découvrir nos drôles de têtes.

Ce matin, je suis par exemple allé faire un tour dans le gigantesque bazar de Kumtepa, au paroxysme de son activité le dimanche. Il n’est globalement rien que l’on ne puisse trouver dans ce dédale sans fin d’échoppes et de stands, où il est facile de déambuler des heures durant en se régalant de couleurs, de bruits et d’odeurs. J’étais probablement le seul touriste (du moins je n’en ai pas croisé d’autres) au milieu de milliers d’Ouzbeks superbement vêtus. Et pour beaucoup d’entre eux, l’attraction du jour. Tandis que les enfants me dévisageaient tous avec des yeux ronds, j’ai certainement dû serrer une bonne centaine de mains, avec généralement un hochement de tête approbateur lorsque je précisais « Francia ». S’ensuivait souvent « Pariche », « Macron », « Mbappé » ou « Olympiche ». Pour les plus anciens, « Zidane » ou même « Mitterrand ». Un beau moment.

Mais si quelques rares touristes s’arrêtent malgré tout à Marguilan, c’est parce que dans cette ville marchande subsistent plusieurs fabriques traditionnelles qui ont placé pendant longtemps cette région du monde au cœur du juteux commerce du plus précieux des tissus, j’ai nommé la soie. Il est bien sûr possible de visiter ces ateliers, qui se chargent de filer, teindre et tisser (le tout manuellement) les étonnants cocons produits par les chenilles du bombyx. Et dans la foulée de faire quelques emplettes à des prix défiants toute concurrence. Avis aux amateurs de douceur.

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