Kumejima → Okinawa (Naha) – 3 h 30 de ferry
De retour à Naha, étape malheureusement obligatoire avant de repartir demain pour Tokashiki. Évidemment sous une pluie battante, cela semble être une constante ici. L’occasion peut-être de se pencher sur l’histoire de ces îles Ryūkyū, fort différente de celle du reste du Japon.
L’archipel Nansei est un chapelet d’îles qui s’étend pratiquement de Kyushu au nord-est jusqu’à Taïwan au sud-est, avec Okinawa au centre, l’île principale (mais 30 fois plus petite que Kyushu !). Peuplé depuis le paléolithique, l’archipel n’a longtemps été constitué que de micro-royaumes indépendants, plutôt pacifiques et accueillants, vivotant d’agriculture, de pêche et d’un chouia de commerce.
Mais au début du XVème siècle, Sho Hashi, le seigneur local de la région centrale d’Okinawa, semble avoir un peu plus d’ambition que ses prédécesseurs, et se met à gentiment conquérir ses voisins. En 1429, l’unification de l’ensemble de l’archipel est terminée, et le tout portera désormais le nom de royaume de Ryūkyū. S’ensuit une période florissante, où le royaume va devenir un hub pour le commerce international, entre la Chine, la Corée, l’Indonésie, et bien sûr le Japon. Une culture propre se développe, notamment un vertueux pacifisme, toutes les armes se voyant interdites.
Cette époque bénie va tout de même durer 180 ans, jusqu’à ce que le puissant clan Shimazu de Satsuma (cf. mon passage à Kagoshima) débarque en 1609 avec 3 000 hommes et conquiert sans coup férir le royaume. Auquel il va finalement laisser son indépendance, se contentant de le rançonner en empochant la plupart des bénéfices commerciaux, pour ne pas prendre le risque de rompre les relations avec le puissant voisin chinois. Époque désormais un peu moins bénie, forcément.
Néanmoins le royaume de Ryūkyū perdurera encore 270 ans, jusqu’à ce que le Japon expansionniste de l’ère Meiji se décide une bonne fois pour toute à l’intégrer officiellement à son territoire. Ainsi les Okinawaïens deviennent Japonais, non sans subir une profonde discrimination de la part de leurs nouveaux compatriotes du nord, un peu considérés comme de « gentils sauvages ». Et bien sûr subissent une assimilation forcée, coutumes et langues locales disparaissant rapidement.
Lors de la Seconde Guerre Mondiale, la région sert de base avancée pour l’armée nippone, et se retrouve donc en première ligne lorsque les Américains commencent à prendre l’avantage : entre avril et juin 1945, la célèbre bataille d’Okinawa fit 230 000 morts chez les Japonais, des civils pour moitié. Toute la zone est ravagée. Après la victoire américaine, ceux-ci s’installent confortablement dans le coin. S’ils quitteront finalement le Japon en 1952 après 7 années d’occupation, ils resteront 20 années supplémentaires à Okinawa, jusqu’en 1972, influençant nettement la culture moderne de l’archipel (le Spam est désormais considéré comme faisant partie de la gastronomie locale, snif…). D’ailleurs des bases militaires sont toujours présentes (environ 30 000 marines), ce qui n’est pas sans irriter un tantinet la population…
Aujourd’hui la préfecture d’Okinawa vit principalement du tourisme et de la canne à sucre, le taux de pauvreté dans l’archipel demeurant deux fois supérieur au reste du pays. Néanmoins les habitants redécouvrent avec plaisir les fortes traditions et la culture du royaume de Ryūkyū, violemment bannies durant la période impériale. Un soupçon d’anticonformisme dans la très homogène société japonaise. Ce n’est pas pour déplaire !


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