Istanbul → Paris → Angers – 3 h 50 de vol et 2 h 20 de train
Je n’allais quand même pas me sauver comme un voleur sans un dernier mot sur la Turquie, finalement le pays où j’aurai passé le plus de temps, 42 jours. À part 4 étapes sportives pour rejoindre Istanbul depuis la Bulgarie, j’ai ici radicalement changé mon mode de voyage, troquant vélo contre bus et trains. J’y ai perdu une certaine grisante liberté et une totale autonomie. J’y ai gagné en confort (mes fesses me disent merci, un siège de bus est infiniment plus moelleux qu’une selle), et j’ai pu finalement en un temps relativement court explorer la plupart des sites « incontournables » de l’ouest de l’Anatolie, ainsi que quelques autres nettement moins connus, à travers 12 superbes étapes. Même si ce faisant je me suis aussi privé de toutes ces petites villes et villages que l’on qualifiera de « transitoires », sans doute à tort car réservant souvent de belles surprises qui font le sel du voyage. Mais bon, de toute façon j’en avais un peu marre de pédaler…
Je suis arrivé en Turquie avec étonnamment peu d’images en tête, si ce n’est de vagues promesses de minarets, de loukoums et de thé. Plus une réputation un peu mise à mal par un dirigeant ultra-nationaliste qui fait régulièrement les choux gras de nos médias. Je repars de Turquie conquis, émerveillé par un pays aux incroyables richesses, tant humaines que naturelles. Les paysages extraterrestres de Cappadoce, ainsi que l’éblouissante blancheur de Pamukkale, resteront bien sûr à jamais gravés ; quant aux splendides gammes de bleus de la Riviera méditerranéenne, elles n’ont que peu de rivales. L’histoire est omniprésente, et s’étale sur des milliers d’années : les vestiges Hittites, Grecs, Romains, Byzantins et Ottomans abondent au milieu de cette Turquie moderne, finalement jeune nation de tout juste 100 ans. Si les villes possèdent souvent un centre historique charmant, parfois uniquement de façade, Istanbul sort clairement du lot, et fait partie de ces quelques villes-mondes où le voyageur peut se perdre avec délice des jours durant. Enfin et surtout, si pour une première visite vous venez pour la Turquie, vous reviendrez ensuite pour les Turcs : amicaux, enjoués, serviables, parfois bourrus mais ne résistant pas à un sourire et quelques mots en turc, ils incarnent à la perfection ce pays si généreux. Même s’ils essaieront parfois (rarement) de vous filouter, le prix à payer j’imagine quand on vient d’un pays riche tandis que la Turquie est en pleine hyperinflation (la livre a perdu presque 10% de sa valeur par rapport à l’euro juste le temps de ma présence).
Je ne peux pas ne pas évoquer les chats turques, véritables baumes au cœur du voyageur fatigué. Si, loin des siens, ce dernier est en manque d’affection, il lui suffira d’aller à la rencontre d’une de ces dizaines de boules de poils qui occupent le moindre coin de rue. Et point ici de félins faméliques en quête perpétuelle d’une maigre pitance, puisqu’ils trouveront à profusion rations de croquettes, bols d’eau et même abris offerts par des locaux tout aussi gagas que votre serviteur. À noter que si vous êtes plus chiens que chats, même chose, vous trouverez en Turquie votre bonheur.
Alors certes tout n’est pas rose. Même si l’égalité des sexes est officiellement inscrite dans la constitution, le combat risque d’être encore long. L’islam local a beau être plutôt ouvert, les femmes ne rentrent pas moins dans les mosquées par la porte latérale, couvertes des pieds à la tête. Et si la prospérité économique a changé la vie de nombreux Turcs, les inégalités sont flagrantes, et les acquis sociaux se font un peu attendre. Quant au tourisme, il a explosé ces dernières années, et s’il génère quantité de revenus, la plupart des sites souffrent de cette sur-fréquentation, que le pouvoir ne semble pas pour le moment envisager de réguler. Et je ne parle même pas du changement climatique, qui risque de frapper de plein fouet cette péninsule semi-désertique, dont les nappes phréatiques disparaissent petit à petit sous les assauts de l’agriculture intensive. Les années à venir vont offrir de beaux challenges… Mais l’histoire du pays a prouvé que désastres après désastres, invasions après invasions, les peuples anatoliens savaient surmonter les difficultés pour ressortir toujours plus forts ! Il n’y a pas de raisons que ça change.
Superbe article.
Cela ne donne qu’une envie : courir en Turquie ! Et pourtant, j’avais des réticences !