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Promenons-nous dans les bois

Abisko

Je n’ai évidemment pas le talent d’un London, mais je vais tâcher de vous faire vivre une journée à arpenter les terres sauvages de l’Arctique suédois. Bon, juste à quelques kilomètres de la civilisation, mais quand même.

Pas besoin de partir très tôt, je n’ai pas vraiment à me préoccuper de la nuit, elle ne tombera à nouveau que dans deux semaines. Sitôt franchi les quelques maisons de bois qui composent le village d’Abisko, un terrain de jeu gigantesque s’offre à moi. Jetons un œil à Maps.me, le pendant 2.0 de la carte IGN (même si la carte possède un avantage parfois non négligeable : elle ne tombe pas en panne de batterie). Mon objectif : partir le plus loin possible des humains pour espérer enfin croiser la route d’un élan (spoiler alert : toujours pas…). Je m’enfonce dans la forêt de bouleaux, qui semble rapidement s’étendre à l’infini dans toutes les directions. Le silence se fait, à l’exception bien sûr des oiseaux, nombreux, qui m’invectivent copieusement. La sente n’est pas toujours facile à suivre, au milieu de la mousse qui recouvre intégralement le sol en un épais tapis délicieusement moelleux. L’air est frais, mais pas froid, malgré le ciel de plomb qui me suit depuis mon arrivée dans l’Arctique. Pas de vent aujourd’hui, les moustiques en profitent. Mais l’anti-moustiques indispensable ici semble efficace ! De temps en temps, la forêt s’interrompt brièvement, laissant la place à une tourbière, ou à un petit étang. L’eau est omniprésente, le sol en est gorgé. Parfois mes prédécesseurs ont laissé quelques planches qui facilitent le passage. Parfois non, il faut alors sautiller de rochers en rochers. Dans ces zones dégagées, les fleurs s’en donnent à cœur joie, une véritable explosion de couleurs, qui tranchent sur le vert tendre de la mousse. Et puis à mesure que je m’élève, la forêt finit par disparaître complètement, remplacée par la lande. Toujours pléthore d’oiseaux, de mousse et de fleurs. L’eau semble encore plus présente, et il me faut régulièrement zigzaguer pour ne pas me tremper les pieds. Quand je jette un regard derrière moi, je peux contempler en contrebas l’immensité du lac Torneträsk, entouré de montagnes dont les sommets se perdent dans les nuages. Les névés sont encore nombreux en cette fin juillet, ils ne disparaîtront sans doute jamais complètement.

Après plusieurs heures de marche sans croiser âme qui vive, je finis par atteindre mon objectif du jour : le canyon de Nissonjohka. À couper le souffle : une vaste entaille déchire le paysage, tandis que les eaux tumultueuses de la rivière coulent loin en contrebas. Évitons le faux pas, pas sûr que l’on me retrouve ici avant un moment. Je longe ce formidable obstacle naturel. Divers rapaces se livrent à des joutes aériennes juste au-dessus de ma tête. Une buse pattue semble d’ailleurs s’intéresser particulièrement à moi, j’ai dû passer un peu trop près de son nid. Ou alors elle espère que mon passage fera décamper quelques proies potentielles ! Tiens en parlant de proie, un lemming se planque à mon approche. J’attends, immobile, qu’il daigne montrer à nouveau le bout de son museau.

Progressivement, le sentier me ramène à la civilisation. Les bouleaux réapparaissent. Et puis voici l’embranchement avec le Kungsleden, le sentier de grande randonnée le plus célèbre de Suède, 400 kilomètres à travers les Alpes scandinaves. Peut-être un jour ! En tout cas voici un autre être humain, le premier depuis longtemps. « Hej ! » « Hej ! » La connivence du marcheur. À mesure que l’on s’approche de la Turiststation (Note de l’auteur : le village « authentique » d’Abisko Östra est situé à 3 kilomètres d’Abisko Turiststation, un gros complexe touristique à l’entrée du Parc National), le sentier se fait plus large, les groupes plus nombreux, avec marmots et chiens. On ne prend plus la peine de se saluer. Bon, mais c’est qu’il n’est pas si tard en fait, et il semblerait que j’ai encore un chouia d’énergie. On repart pour un tour ? Regarde, il me semble que tu n’es pas encore allé dans ce coin-là !

4 Comments

  1. Perrot Isabelle

    Ça laisse sans voix, cette immensité ! Tu as déjà connu ça en Amérique du sud, dans la traversée australienne peut-être aussi ! Ce sont les mêmes émotions ?

    • Vadrouilleur

      Ca rappelle effectivement un peu la Patagonie pour les paysages et le climat, mais en plus européen (c’est assez magique de finalement trouver ces paysages si « près » de chez nous). L’Australie, l’immensité est encore plus présente, mais en version chaude !

  2. P'pa

    Jolie « brève apparition ». Pas évident de trouver la bête au premier coup d’oeil, mais c’est ça le charme de la nature « en vrai ». Le guépard ne vient pas d’attraper la gazelle dans l’écran de télé et au pied du lodge à un bon paquet d’euros la nuit !

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