La Havane → Madrid → Paris → Angers – 9 h de vol, encore 2 h, et enfin 1 h 45 de TGV
Je ne pouvais pas conclure cette saison 3 ainsi. J’aime bien les conclusions, elles conduisent à de nouvelles introductions. Sauf que celle-ci se fait encore un peu attendre : mon escale très temporaire à Madrid s’est accompagnée d’heures de retard, de beaucoup de stress, d’une correspondance réussie de justesse, mais surtout de la perte potentiellement irrémédiable de mon précieux bagage que j’avais laissé en toute confiance aux bons soins d’une soute d’avion. Bagage qui, semble-t-il, a finalement réapparu quelques jours plus tard, pourrait avoir pris un vol pour Nantes dans la foulée, mais depuis, mystère, boules de gommes et sempiternelles hotlines incapables de m’aider. Bon, ce sera l’occasion d’un voyage à Nantes.
259 jours, 15 pays. Les chiffres paraissent similaires, mais les saisons de Vadrouilles se suivent et ne se ressemblent pas. Tiens, une différence majeure avec notre bonne vieille Europe ou avec la lointaine Asie, l’homogénéité de la langue : du venteux Cap Horn aux déserts du nord du Mexique, l’espagnol vous sera bien plus utile que l’anglais. Bon à part au Belize, au Brésil et en Guyane, mais il faut toujours quelques exceptions. Évoquons l’homogénéité religieuse bien sûr: le catholicisme a su ici faire siennes de nombreuses croyances ancestrales, de gré ou de force. Et enfin homogénéité géographique : si j’ai atterri légèrement au sud du tropique du Capricorne, je ne serai même pas passé au nord de son confrère du Cancer ; niveau longitude, à peine deux fuseaux d’écart entre Rio de Janeiro à l’est et Guanajuato à l’ouest. Mais l’homogénéité s’arrête là : car dans ce long serpent de terre, foisonne la vie dans toute sa diversité !
Si comme ailleurs dans le monde, la biosphère y est profondément menacée, les forêts sud- et centraméricaines ne sont pas le « poumon vert de la planète » pour rien. Et si ça n’était que les forêts ! Volcans fumants, jungle brûlante, hauts-plateaux délicieusement tempérés, savanes, déserts, le tout avec des plages de rêve, ambiance grosses vagues côté Pacifique, lagon placide côté Caraïbes. Tous ces milieux peuplés d’animaux étranges et emblématiques, souvent à portée de main. Plus des humains. Beaucoup d’humains même. De toutes les couleurs. De toutes les classes sociales. La plupart prompts à aimer leur prochain. Je me demandais avant de partir, au fond, quelle serait la différence entre l’Équateur et la Colombie, ou entre le Nicaragua et le Honduras. Après tout, ils ne sont séparés que par une mince ligne tracée artificiellement par des ancêtres ambitieux. Eh bien ce sont les gens. Un Nicaraguayen n’est pas un Hondurien. Et un Chamula du Chiapas n’a bien sûr pas grand chose en commun avec un Mixtèque de Oaxaca, si ce n’est de partager désormais une langue (et une religion).
Car c’est peut-être finalement ça le plus beau sur ce vaste continent encore sauvage par endroits : une mosaïque ethnique et culturelle unie sous une même bannière linguistique, certes une langue initialement d’envahisseurs, mais aujourd’hui porteuse de paix et d’échanges. Une véritable Tierra Latina, qui a de nombreuses cartes en main pour jouer un rôle majeur dans un monde fluctuant et en quête de nouvelles voies, de l’écologie à la spiritualité. Cuba n’a pas réussi à donner suite à son ambitieuse épopée révolutionnaire. Une Tierra Latina unie pourrait-elle infléchir la fuite en avant auto-destructrice de gouvernements encore pour beaucoup autocratiques, répressifs et corrompus ? Pour peut-être enfin tourner la page sur les nombreux démons hantant le passé d’un continent qui n’a guère connu la paix et la stabilité depuis l’ancrage sanglant il y a 500 ans de deux mondes séparés par un océan.
À plus court terme, la suite m’est tout autant inconnue. Récupérer mon sac déjà. Vraiment atterrir. Profiter des gens que j’aime. Et réfléchir à une saison 4 qui pour l’instant n’a pas encore vraiment pris forme dans ma tête. Le monde est vaste, ses sentiers infinis. Place à une nouvelle introduction.
Jolie conclusion