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Le style cubain (post-pandémie)

Trinidad → Cienfuegos – 1 h 30 de bus

Je ne vais pas bien loin aujourd’hui, direction Cienfuegos, la « Perle du sud ». Fondée en 1819 par un Français de Louisiane, qui invita tous ses potes bordelais à le rejoindre, la ville attendit néanmoins la chute des plantations de Trinidad avant de réellement faire fortune (le malheur des uns…). S’ensuivit début XXème une frénésie architecturale qui vit naître une large place centrale entourée de classieux édifices, un très long boulevard bordé de colonnades, et un quartier résidentiel pour nantis, tous voulant bien sûr que leur maison en jette le plus possible. Les réseaux sociaux n’existant pas encore, ton manoir = ta page d’accueil Facebook. Celle qui compte le plus d’abonnés : une étrange fusion mudéjar-gothique… Globalement une ville élégante et proprette, selon les standards cubains, bordée par la toujours merveilleuse mer des Caraïbes. Encore un bien beau tableau.

Malgré tout, il m’est de plus en plus difficile de pleinement apprécier tous ces trésors cubains, étant donné la présente situation catastrophique du pays. Je me permets une petite mise à jour après presque deux semaines d’exploration : en gros depuis la pandémie, tout va mal, et le mot est faible. Faute de pouvoir commercer librement avec le reste du monde (embargo oblige), Cuba dépend énormément du tourisme et de ses devises fortes. Or si dans la plupart des pays on flirte à nouveau avec les chiffres de 2019, c’est loin d’être le cas ici, où le nombre de visiteurs a pratiquement été divisé par deux. La faute aux difficultés économiques que traverse l’île, ainsi qu’à une forme de « Cuba bashing » alimentée par certains réseaux (oui oui bande d’ab***is de Ricains, c’est bien de vous dont on parle). C’est donc un cercle vicieux : moins de touristes, l’économie flanche, et donc encore moins de touristes.

Problème numéro 1 : l’électricité. Cuba s’approvisionnait essentiellement auprès du Venezuela et de la Russie pour le combustible permettant de faire tourner de vieilles centrales thermiques. Or la Russie a présentement d’autres chats à fouetter, et le Venezuela est en crise, plombé par les sanctions – oh bah tiens comme c’est étrange – étasuniennes. Heureusement les braves commerçants chinois sont venus à la rescousse : ah oui nous on veut bien vous vendre des panneaux solaires, pas de problème, et sans prosélytisme en plus, du moment que vous hypothéquez votre île… En plus mine de rien il faut beauuucoup de panneaux pour alimenter tout Cuba, c’est donc une amélioration assez lente. Les bons jours, il y a 4-5 h de courant pendant la journée. Parfois quelques heures la nuit (là ce sont les centrales thermiques qui prennent le relais, si par miracle elles dénichent quelques litres de pétrole). Des fois rien pendant 24 h. Les casas où je loge sont généralement tenues par des Cubains qui ne s’en sortent pas trop mal (pensez-vous, suivant les villes, je vais payer entre 10 et 20 euros la nuit, plus souvent 5 euros un copieux p’tit déj en extra – alors que tout à l’heure j’ai longuement discuté avec un professeur de collège qui gagne environ 20 euros par mois…), et ils peuvent donc se payer de grosses batteries ou des panneaux solaires, permettant a minima d’avoir de la lumière, de faire tourner quelques ventilateurs (il fait une chaleur étouffante en été) à défaut de la clim, et de charger les petits appareils électriques… Le reste de la population vit dans le noir. Et c’est particulièrement impressionnant une ville plongée entièrement dans l’obscurité, nous ne sommes plus vraiment habitués.

Problème numéro 2 : l’eau. Là c’est plus régional, l’est de l’île étant généralement plus affecté par des sécheresses chroniques que l’ouest. À Santiago, c’était particulièrement marquant : durant ma visite, la distribution municipale était coupée depuis plusieurs semaines. Tu vis donc avec le contenu de l’indispensable réservoir sur ton toit. Quand celui-ci est vide, tu achètes le précieux liquide à des colporteurs qui passent dans la rue avec des bidons d’eau filtrée. Et tu pries pour qu’il pleuve. Ici à Cienfuegos, l’eau ne manque certes pas, mais les canalisations vétustes inondent les rues, et empoisonnent ceux qui se risquent à ne pas filtrer avant de boire (car sinon l’eau est techniquement parfaitement potable, une prouesse non négligeable).

J’arrête provisoirement pour ce soir. Et vous allez encore être privés de photos. Car pas d’électricité, pas de Wifi. J’ai bien un peu de data sur mon téléphone, mais le réseau est particulièrement faiblard quand il n’y a pas d’électricité… Si vous souhaitez sevrer votre ado de Tik-Tok, Cuba est une excellente destination !

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