La Suède qui va bien

Helsingborg → Ängelholm – 75 km

Premiers pas sur le Kattegattleden, 390 kilomètres de piste cyclable d’Helsingborg à Göteborg, principalement au bord de l’eau. C’est l’été. Il fait beau et chaud, ou disons du moins que pour la latitude à laquelle je me trouve, on est au max. Direction la péninsule de Kulla, une dent acérée à l’entrée de l’Øresund. Et là, pour quelques heures, me voici plongé dans un Vogue des années 70.

Le décor : le calme avant tout. Ambiance feutrée, chants d’oiseaux, bruit de moteur à l’occasion, rires lointains. Une mince route à fleur d’eau, ou qui serpente un peu plus haut dans les collines. Nature luxuriante, mais docile. Des champs de blé, quelques futaies, et surtout une mer plate et limpide. Glaciale, vous imaginez bien. Des plages de sable occasionnelles, entourées de verdure, presque désertes. Des petits ports de plaisance abondamment garnis. Des golfs. Des mini-golfs. Des moulins. Ça fait toujours bien un moulin. Des terrasses de tavernes fleuries qui invitent à la détente. Et des maisons toutes plus belles les unes que les autres. Massives ou mignonettes (cabanes du week-end), traditionnelles ou futuristes. Entourées d’un dense fouillis végétal multicolore à l’apparence savamment négligée, ou bien d’un gazon millimétré. Les fenêtres, généralement vierges de tout rideau, laissent entrevoir des intérieurs dignes d’un vieux James Bond (mais avec des écrans plats bien sûr). Régulièrement, un mât orné du drapeau jaune et bleu. Juste devant, deux voitures stationnées. Pour le quotidien, une berline racée type Audi ou BMW, et pour le plaisir, une Porsche.  

L’action : dans le petit port de XXX, une famille se gare (avec la berline). Quatre Blonds en descendent (avec un grand B, l’important n’est pas tant la couleur des cheveux que l’incarnation d’un archétype), un couple et deux enfants. Ils sont beaux. Ils sont bronzés. Ils sont chics. Malgré votre apparence de gueux, ils vous sourient chaleureusement. Les enfants jouent gentiment, courent en riant. La petite famille se dirige nonchalamment vers son voilier personnel, et quitte tranquillement le port en direction du large, suivie de quelques goélands chantants.

Je pense que vous voyez l’idée. J’ai baigné dans un cliché de Suède fantasmée, à l’iconographie parfaite. Et je ne sais pas très honnêtement dans quelle mesure ce joli tableau est représentatif du pays. Certaines parties des villes traversées sont par exemple beaucoup plus éloignées de la carte postale. Mais c’est agréable, l’espace d’une journée, d’imaginer un monde à l’image de Kulla. Un monde nature, chic et feutré. Peut-être un peu chiant à la longue.