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La mort pour amie

Guanajuato

Il y a plein de choses à faire dans cette superbe ville de Guanajuato, mais la plus surprenante est sans doute le Musée de la Momie, qui fait des émules parmi les visiteurs mexicains. N’allez pas imaginer de la bandelette millénaire, on laisse ça à nos amis égyptiens. Ici il s’agit simplement d’une centaine de corps, exhumés du cimetière voisin pour faire de la place, et qui grâce à d’exceptionnelles conditions d’inhumation, ne se sont pas retrouvés réduits à l’état de squelettes. Les plus vieux ont tout au plus deux siècles, et certains possèdent même encore leurs vêtements. Une belle petite galerie horrifique, dont je vais me passer, n’étant pas spécialement adepte de ce genre d’exposition macabre (si encore il y avait un intérêt historique, pourquoi pas, mais là même pas). En revanche le musée draine les foules, ce qui finalement ne semble pas si étonnant étant donné la fascination qu’exerce la mort chez les Mexicains. Squelettes et crânes sont omniprésents dans l’artisanat, et bien sûr el Dia de Muertos est sans doute la fête la plus populaire. Mais pourquoi donc embrasser ainsi la faucheuse quand chez nous elle n’est évoquée qu’en chuchotant ?

Eh bien il semblerait que ce soit finalement le fruit d’une lente maturation sociétale. À l’époque préhispanique, la mort n’était qu’une étape, certes un peu pénible, du grand cycle de la vie. Les ancêtres étaient célébrés lors de grandes festivités estivales, et les crânes des ennemis sacrifiés étaient conservés, pour être exposés lors de grandes occasions. Puis débarquent les Espagnols et leur catholicisme, et si dès lors il n’est plus question de réincarnation, la mort au XVIème siècle est amplement représentée à travers la « danse macabre » symbolisant la brièveté de l’existence, dans laquelle les indigènes font perdurer leurs croyances païennes. Et histoire de faire semblant d’adhérer à cette nouvelle religion, on décale la fête des défunts historique au moment de la Toussaint, comme ça tout le monde y trouve son compte.

Mais il faudra finalement attendre les années 1920-30 pour que naisse véritablement la fête des morts actuelle, et toute l’iconographie associée. En effet à l’époque le Mexique sort de sa longue et sanglante révolution, et se cherche une identité, qu’il n’hésite pas à aller piocher dans sa vaste culture préhispanique. Une toute nouvelle tradition créée de toutes pièces voit le jour, qui séduit à la fois les métisses, fiers de cette singularité nationale, et les indigènes, qui retrouvent là des éléments des temps anciens. Bien joué. En prime ça fait marcher le commerce…

Alors est-il préférable de ne pas s’intéresser de trop près à la faucheuse, de peur que l’intérêt ne soit réciproque ; ou au contraire de rire d’elle et de la démystifier ? Allez savoir. Il semblerait que la finalité reste dans tous les cas la même.

6 Comments

    • Vadrouilleur

      Toutafé, créée de toutes pièces en piochant dans diverses traditions… Un peu comme le gros bonhomme rouge qui nous sert de Père Noël ! 🙂

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