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Un joyau caché (et c’est tant mieux)

Suchitoto

Le tourisme de masse est en train de changer radicalement la face du monde, un peu pour le meilleur et plus souvent pour le pire. Après une petite pause COVID, l’année 2024 a finalement permis de retrouver les niveaux stratosphériques prépandémie, avec 1,4 milliard de touristes internationaux. C’est impressionnant. Et ça ne va pas s’arrêter là, sauf à tomber sur un nouveau virus mortel… Par ailleurs, si les hôtels all-inclusive des Caraïbes ou du pourtour méditerranéen ont toujours relativement la cote, la tendance est plus que jamais au « tourisme-insta » : on part non seulement pour se détendre, mais encore plus important, pour montrer au reste de la planète que l’on est parti. Reste de la planète qui en l’occurrence s’en moque éperdument.

Vous voyez ces essaims de criquets qui ravagent un champ avant de s’envoler un peu plus loin ? Eh bien c’est le même principe aujourd’hui. Quelques influenceurs débarquent dans un joli coin du monde encore relativement préservé. « OMG ! C’est tellement beau et authentique, il faut à tout prix que mes 37 854 followers me voient en train de faire le grand écart au bord de cette cascade / falaise / ruine / … ! » Puis les 37 854 followers débarquent à leur tour. Entretemps, quelques entrepreneurs locaux ayant flairé le truc ont construit de nouvelles guesthouses, des restaurants, des boutiques de souvenirs, ont bétonné le chemin d’accès à la cascade / falaise / ruine / …, installé des barrières de sécurité, monté un mirador, construit une balançoire (ou tout autre truc débile à l’avenant) pour les photos, et bien sûr font désormais payer l’accès 10 dollars. Avec la possibilité d’en faire le tour en quad ou en hélicoptère. Tout de suite un peu moins beau et authentique.

La bonne nouvelle, c’est que ces ### d’influenceurs n’ont pas encore repéré Suchitoto. Déjà le Salvador ils ont un peu de mal, rappelons que nous avons affaire à des communicants, pas à des experts en voyage ou en géographie. Résultat des courses : un bourg parfait, fréquenté essentiellement par des touristes nationaux (donc plutôt présents les week-ends, la tranquillité est de mise la semaine), avec juste ce qu’il faut comme infrastructures, mais sans dénaturer le bled pour autant. Quelques musées (visité pour ma part le Centre d’Art pour la paix, qui fait surtout office d’école de musique/danse/dessin complètement gratuite pour les enfants du village et des environs, j’ai été ravi et ému d’apporter mon obole), des rues en pente aux pavés inégaux, des murs chaulés, des patios secrets, des places ombragées, de l’artisanat local, des vues spectaculaires sur un lac d’une grande douceur (c’est le sentiment qu’il m’a inspiré, avec des paysages et des couleurs comme sortis d’un tableau pastel), et même une cascade, certes payante (1$, pour les locaux comme pour les étrangers, la preuve que le village est encore hors des radars), mais toujours délicieusement peu aménagée. Plus bien sûr des locaux avenants et curieux de ces rares touristes qui prennent leur façade fleurie en photo…

Voilà, j’ai pu visiter quelques autres Suchitoto sur ma route au cours de ces vadrouilles, mais ils se font malheureusement de plus en plus rare. Donc je vous en parle, mais chut, ne l’ébruitez pas trop !

4 Comments

  1. Perrot Isabelle

    Oui, c’est effrayant. Nous allons essayer d’être des touristes respectueux, mais non allons néanmoins contribuer à cette  » surconsommation » du voyage….

    • Vadrouilleur

      Oh bah là a priori rien que de plus normal, on est en fin de saison sèche. Dans quelques semaines, elle s’en donnera à cœur joie (en théorie, le dérèglement climatique est en train de perturber l’alternance des saisons) !

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