La Libertad → Santa Ana – 45 min de bus, puis 1 h 15 et 20 min
Il est très difficile de croire que le Salvador, où je me promène depuis hier, était il y a encore quelques années le pays « en paix » avec le plus haut taux d’homicides volontaires au monde, principalement à cause des maras, de puissant gangs armés qui faisaient régner la terreur : en 2015, ce taux était de 105 pour 100 000 habitants ! À titre de comparaison, il tourne autour de 1,5 en France, quand au Japon il est de 0,28. Autant vous dire que les touristes ne se baladaient guère dans le coin…
Et puis en 2019, le jeune et charismatique candidat indépendant Nayib Bukele, 37 ans, est élu à la tête du pays, remportant triomphalement 53 % des voix dès le premier tour. Son credo : libéral sur le plan économique, conservateur sur le plan sociétal, avec un gros tour de vis sécuritaire. S’il commence plutôt soft, notamment en négociant des trêves avec les principaux gangs, en 2022 une nouvelle vague d’assassinats lui fait revoir ses positions. Désormais, fini l’État de droit, trop contraignant, on va plutôt construire d’immenses prisons de haute sécurité, puis mettre dedans tout ceux dont la tronche ne nous revient pas, sans jugement, et pour une durée indéterminée…
Alors techniquement, ça marche, puisque l’an dernier, le taux d’homicide volontaire du Salvador est descendu à 1,9 ! Bukele est véritablement adulé par sa population, avec plus de 80% des Salvadoriens qui approuvent sa politique : il est facilement réélu en 2024, et se qualifie sur son compte X (son média de communication favori) de « Dictateur le plus cool du monde ». Le pays détient en revanche un nouveau record du monde : le taux de détention, entre 1 et 1,2% (0,1% en France). Les 100 000 innocents qui croupissent en prison : des victimes collatérales assumées. Les centaines de morts de brutalités policières : la fin justifie les moyens.
Hier, j’ai pu me promener en soirée à La Libertad, le principal port du pays, une ancienne plaque tournante du trafic, véritable zone de guerre il y a 4 ans. Les milliers de Salvadoriens déambulant sur le front de mer en se gavant de glaces semblaient tous particulièrement détendu. Et aujourd’hui, en ce Vendredi Saint, j’ai pu assister à diverses processions nocturnes à Santa Ana, avec une foule de gens venus en famille exprimer leur dévotion, en toute sécurité. J’ai été interpellé des dizaines de fois par des locaux curieux, souriants, extrêmement sympathiques, désireux d’aider, et fiers de leur pays.
Alors évidemment, en ardent défenseur de la démocratie et de la liberté, c’est toujours compliqué d’approuver l’action d’un État totalitaire et répressif. Mais si cela permet à des millions de personnes de vivre dans la paix et dans la joie, qui sommes-nous pour juger ?
























L’ambivalence toujours ! Yin et yang….