Khodjent
Avec moins de 200 000 habitants, Khodjent fait figure d’aimable ville de province, au pied des contreforts arides du Tian Shan, gardant religieusement l’entrée de la vallée de Ferghana. Car oui, je retrouve finalement cette dernière, n’étant pas si loin de Marguilan, sauf que la frontière « côté est » se trouve être a priori un peu plus pénible à franchir, d’où le détour par Tachkent (où je voulais de toute façon faire un saut).
Fait plutôt rare en Asie centrale, la ville est traversée par un large fleuve endoréique, le Syr-Daria. Endoréique ? C’est-à-dire qu’il ne se déverse pas dans la mer, mais dans une cuvette fermée. En l’occurrence la mer d’Aral, dont c’était le principal pourvoyeur d’eau. Mais euh, tu ne viens pas de dire « gna gna gna pas dans la mer » ? Oui mais c’était un grand lac, pas une mer, je sais le nom prête à confusion. Et je parle bien sûr au passé, car une grande partie de l’eau du fleuve a été détournée dans des canaux d’irrigations durant l’ère soviétique pour permettre la culture intensive du coton. Résultat, le fleuve s’assèche désormais bien avant d’atteindre le lac, qui a donc pratiquement disparu. L’une des plus grandes catastrophes environnementales du XXème siècle…
Aparté : vous avez peut-être l’impression que je me montre assez critique des actions de la grande URSS en Asie centrale. Eh bien il s’avère qu’elle n’a globalement fait que des conneries durant son siècle d’occupation, en toute impunité, loin des regards du monde. Je me contente simplement de rapporter des faits, presque sans parti pris… Je fais d’ailleurs de même avec tous les pays colonisateurs, qui n’ont jamais traité leurs colonies avec équité et réelle bienveillance, affirmant néanmoins avec aplomb que bien sûr tout ce qu’ils y entreprennent est pour le bien de ces sauvages des habitants.
Mais revenons plutôt à Khodjent. C’est ici qu’Alexandre le Grand, décidément une célébrité régionale, va fonder sa colonie la plus septentrionale, Alexandria Eschatè, littéralement « Alexandrie la plus lointaine », plein d’humour et d’humilité notre cher empereur. Il faut dire aussi qu’au nord du fleuve démarraient les territoires des tribus nomades, qu’il n’osa jamais provoquer… Au Moyen-Âge, c’est Komil Khojandi qui bâtit la ville moderne, avec citadelle, palais, mosquées… Et puis comme toutes les métropoles de la région, elle va être intégralement rasée par les Mongols au XIIIème siècle, ceux-ci semblant être particulièrement doués pour tout ce qui est travaux de démolition. Enfin au XXème siècle, Khodjent deviendra Leninabad, en hommage au grand homme. Elle héritera pour la peine d’une gigantesque statue (oui encore une), qui se verra reléguée au fin fond de la ville à l’indépendance, non mais.
Aujourd’hui Khodjent est une agglomération plutôt sympathique, qui mérite bien une petite pause pour le (rare) voyageur de passage dans le coin : de la verdure, une citadelle reconstruite, quelques musées, un bazar animé, des montagnes toutes proches… Une bonne entrée en matière tadjike.















