Salamanque → Ávila – 100 km
Après deux jours de repos à Salamanque et un gommage pour ma tendre monture chez un excellent réparateur, j’étais fin prêt pour l’étape épique du jour : 100 kilomètres en longueur, 1 kilomètre en hauteur. Dur. Mais je voulais faire un petit détour par la très pieuse Ávila, ville de naissance de Sainte Thérèse, la plus importante figure féminine de l’église catholique espagnole, après Marie bien sûr.
Teresa Sánchez de Cepeda Dávila y Ahumada (ça claque) naît donc à Ávila le 28 mars 1515, avec ses 12 frères et sœurs (dans la moyenne de l’époque), au sein d’une famille de la petite noblesse. Elevée dans la piété, la jeune Teresa se montre très vite passionnée par la lecture de la vie des saints et martyrs, et fugue vers 10 ans en embarquant son frangin pour aller vivre elle-même le martyre en terre infidèle, excellent plan de carrière. Bon elle est rattrapée au bout de quelques kilomètres, ouf.
Ça dérape un peu à l’adolescence, car elle commence à s’éprendre de romans de chevalerie, or c’est bien connu, les romans ne peuvent que mener les jeunes filles à la perdition : et vas-y que je mets des belles robes, et vas-y que j’ai envie de plaire… L’honneur de la famille est en danger ! Allez hop, au couvent, non mais !
Si au début l’idée n’est pas du tout de rester cloîtrée, à la suite d’une grave maladie (un gros rhume ? À l’époque on peut mourir d’à peu près n’importe quoi…) elle finit par se dire que c’est peut-être son truc, et prononce ses vœux à 19 ans .
Pendant une vingtaine d’années il ne se passe pas grand-chose : elle est malade, elle prie, elle est malade, elle arrête de prier, elle est malade, elle recommence à prier… Et bim, en 1557, elle reçoit une première apparition et une vision de l’enfer. Ça doit faire tout drôle… Elle va alors enchaîner les visions, et connaîtra même l’expérience de la transverbération, à savoir le transpercement spirituel du cœur par un trait enflammé d’amour. Aïe.
En tout cas toutes ses visions lui font comprendre que l’Ordre du Carmel a été dévoyé, et qu’il lui faut instamment le réformer pour revenir à l’esprit carmélite authentique : austérité, pauvreté et isolement. La grosse marrade quoi. Elle fonde le couvent de Saint-Joseph à Ávila en 1562, d’un dépouillement absolu. Ça fait un peu grincer certaines dents habituées au luxe de l’église du XVIème, mais cela fait surtout des adeptes.
Après 5 ans de bonheur dans son couvent réformé de Saint-Joseph, elle est autorisée par sa hiérarchie à aller en créer d’autres. Et voici notre Teresa partie sur les routes d’Espagne pour fonder à tour de bras couvents sur couvents, 17 en tout, pas mal. Elle se fera en chemin beaucoup d’ennemis, notamment au sein de l’Inquisition, vous vous rendez compte, une femme, lettrée, avec des visions, elle ne peut qu’être possédée par le Malin !
Malade, elle finira par mourir dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582 (alors oui c’est étrange, mais l’Espagne passe cette nuit-là du calendrier julien au calendrier grégorien, avec un petit décalage de 10 jours…), entourée de ses sœurs.
La suite est plutôt classique au sein de l’église : on va l’exhumer plusieurs fois, trimballer sa dépouille, et bien sûr se partager les reliques, qui seront disséminées dans toute l’Espagne. À Ávila on doit se contenter d’un doigt… Elle sera béatifiée en 1614, canonisée en 1622, déclarée patronne d’Espagne en 1627. Et en 1970, elle sera même la première femme à obtenir le titre de Docteur de l’Église. Bon il aura fallu attendre 400 ans, mais la classe quand même !
À noter que de nos jours, il y a dans le monde beaucoup plus de carmes réformés que non-réformés. Bien joué Teresa !

Pas mal les remparts. On avait confiance dans les voisins à cette époque. Voilà qui aurait pu inspirer Trump pour la frontière avec le Mexique, ça aurait eu de la gueule… et un petit caractère dissuasif pour le pauvre péquin qui vient là avec sa famille pour aller aux Etats Unis.
Oui mais à l’époque un chantier de 100 ans ne faisait peur à personne… Et puis la main d’œuvre était bon marché… Maintenant il paraît qu’il faut payer ses ouvriers, où va le monde !