Déambulations au royaume de Vijayanâgara

Hampi

Les origines. Au début du XIV^ème siècle, sur des terres ravagées par les pillards musulmans, mais libres de tout pouvoir central, un ultime royaume hindou voit le jour en 1336 : Vijayanâgara. Grâce à des dirigeants ambitieux et avisés, l’influence de ce petit territoire va considérablement s’étendre durant deux siècles, jusqu’à dominer tout le sud de la péninsule indienne. Vijayanâgara (qui est à la fois le nom du royaume et de la capitale) est prospère, l’agriculture est florissante, le commerce va bon train, et la capitale est une vibrante métropole de 500 000 habitants, la seconde plus grande ville au monde derrière Pékin (évidemment de nos jours ce ne serait guère plus qu’une bourgade indienne). Vous vous en doutez, ça ne va pas durer.

La chute. Les sultans du nord ne voient pas d’un très bon œil ce riche et puissant royaume hindou à leur porte. Chose rare, ils décident de s’allier provisoirement, et s’en vont combattre ces mécréants du sud. Alors le déroulé de la bataille décisive de Talikota est sensiblement différent selon les sources, mais le résultat est sans appel : les sultanats associés sont victorieux. S’ensuivent les classiques pillages et destructions. Vijayanâgara ne se relèvera pas.      

Aujourd’hui. Étant donné l’aridité et l’isolement des lieux, le temps a été relativement clément avec feu-Vijayanâgara, aujourd’hui Hampi. Quelques villages ont bien poussé à droite à gauche, mais globalement l’humanité ne s’est jamais vraiment réappropriée le site (la nature oui, bien sûr). L’UNESCO a inscrit Hampi sur sa célèbre liste du patrimoine mondial dès 1986. Bon elle l’a aussi mis un temps sur sa moins sympathique liste du patrimoine en danger, à cause d’un développement légèrement anarchique, donc les autorités indiennes se sont employées à raser méthodiquement plusieurs villages, le tourisme avant les paysans…

Le cadre. Les gros rochers de granit en Bretagne, ça vous parle ? Eh bien ici c’est un peu la même, mais à 300 kilomètres de la mer la plus proche. Un superbe et spectaculaire chaos géologique. Entre les cailloux, des palmiers, des bananeraies, des acacias. Là forcément ça évoque moins la Bretagne… Une paisible rivière (avec possiblement des crocodiles, du moins c’est ce qu’indique un panneau officiel, mais je suis sceptique). Une galaxie d’oiseaux multicolores. Quelques troupeaux de chèvres. Des singes, en nombre, de deux différentes espèces (du moins j’ai pu en croiser deux). Il faut dire aussi qu’Hanuman est censé être né dans le coin… Et puis bien sûr des ruines, absolument partout.

Les ruines. Sur plus de 36 km², Hampi compte environ 3700 monuments à explorer. J’en ai visité 3692, je n’ai pas trouvé les 8 derniers… Évidemment je plaisante, il faudrait des mois pour arpenter consciencieusement la zone. Je n’ai pour ma part que 3 jours, mais c’est déjà mal pour un best-of. Au programme : pour commencer, des dizaines de temples, dédiés à diverses divinités, tous plus impressionnants les uns que les autres. C’est bien simple, dès lors que l’on croit avoir déniché le temple ultime, on en trouve un autre encore plus scotchant 200 mètres plus loin… En prime l’avantage du granit, c’est qu’il tient plutôt bien dans le temps : on jurerait que certaines gravures, d’une exquise finesse, sortent tout juste de chez le tailleur ! Et pour ne rien gâcher, si certains temples sont célèbres et drainent les foules, vous pouvez facilement être l’unique visiteur de la journée d’une pléthore d’autres, en se prenant pour un Indiana Jones de passage. Quand vous aurez votre dose de colonnes et de gopurams, vous verrez qu’il existe aussi de nombreuses ruines « laïques » : massifs remparts, gigantesques places du marché, astucieux réservoirs et bains, bâtiments royaux (même si eux ont pris un peu cher, j’imagine que l’idée des envahisseurs était d’éviter qu’un roi de passage se réinstalle dans le coin), et superbes écuries pour éléphants (bon au final on ne sait pas exactement si le bâtiment était bien destiné à héberger les royales montures, mais il a été particulièrement bien préservé).

Allez, encore une journée pour profiter de la magie d’Hampi. Alors, voyons, où vais-je bien pouvoir aller gambader demain ? Hmm, le mieux est peut-être de laisser faire le hasard…