Wayalailai
Le kava (yaqona en fidjien) se boit sans modération dans tout le Pacifique. Il fallait bien à un moment donné que je m’y essaye. Naïvement, j’imaginais de l’alcool, et même un alcool plutôt corsé. Peut-être la proximité phonétique avec notre cher calva ? En fait, pas du tout.
Connu depuis l’Antiquité, le kava est la racine d’une plante apparentée au poivrier, Piper methysticum. Si la plante en surface ne paye pas de mine, son massif rhizome pèse en général une dizaine de kilos. Historiquement, celui-ci était plutôt mastiqué (pas les 10 kg d’un coup évidemment). Mais désormais, la racine est séchée puis réduite en une poudre, qui est finalement mélangée avec de l’eau en une sorte d’infusion (à température ambiante).
Pourquoi consomme-t-on le kava ? Vous vous en doutez, c’est un puissant psychotrope, avec des propriétés anesthésiantes, relaxantes, euphorisantes, et il possède même un effet anti-dépresseur mis en évidence récemment. Il est d’ailleurs utilisé médicalement en Occident, notamment pour traiter des problèmes de stress, d’anxiété ou de dépression (sauf que le kava est complètement interdit en France depuis 2003, parce qu’on est comme ça nous, on aime bien interdire des trucs). Évidemment, comme tout psychotrope qui se respecte, son usage à forte dose n’est pas sans risques…
Théoriquement, le kava se boit lors d’un rituel traditionnel. Les hommes démarrent assez tôt dans la journée : en cercle autour de la bassine contenant le précieux mélange, celui-ci est servi dans une demi-noix de coco, dans laquelle tous les participants boivent à tour de rôle, en commençant par le chef. On tape une fois dans ses mains, on s’empare de la noix de coco pleine, on lance un joyeux « Bula ! », on boit cul-sec (tandis que les autres membres du cercle tapent trois fois dans leurs mains), et on rend la coco, qui est ensuite remplie à nouveau pour le suivant. Petite pause (plus ou moins longue) lorsque tout le monde a eu sa dose. Et c’est reparti pour un tour. Une journée peut passer ainsi sans aucun problème…
À noter qu’aux Fidji, les femmes boivent aussi le kava (ce n’est pas le cas partout en Océanie), mais elles démarrent nettement plus tard dans la journée, lorsque toutes les tâches domestiques sont achevées évidemment. Du coup elles se préparent un mélange nettement plus corsé, pas le temps de traînasser, il faut des effets rapides !
À noter aussi que dans certaines régions des Fidji (notamment celle où je me trouve), la consommation de kava est interdite une semaine par mois. Histoire de bosser un peu…
Bon mais concrètement, ça fait quoi ? Alors déjà, ce n’est pas particulièrement bon (même si j’imagine que l’on doit s’habituer), le mélange tapisse la gorge d’une certaine amertume tenace, avec un petit goût de médicament. Après la première demi-coco, la détente est en revanche assez immédiate. Après plusieurs demi-cocos, c’est plutôt la somnolence qui l’emporte. Lorsque vient l’heure de se coucher, l’endormissement est immédiat. Mais pour ma part, j’ai eu tendance à me réveiller à plusieurs reprises (l’effet diurétique aidant), pour toutefois me rendormir assez vite. Et le lendemain, une certaine somnolence subsiste, mais pas d’effet type « gueule de bois », ce dont on ne va pas de plaindre.
Personnellement, j’ai trouvé l’expérience plutôt amusante, surtout le côté ritualisé (qui disparaît d’ailleurs dès que les Fidjiens le consomment juste entre eux, ne gardant le rituel que pour certaines occasions). Mais aucun risque pour que je tombe dedans, mes dépendances actuelles sont amplement suffisantes. En tout cas, cela permet de comprendre un peu mieux ce côté très détendu qui caractérise les Fidjiens. Et bien sûr, le « Fidji time » devient dès lors une évidence.
Très interessant cet éclaircissement sur le Kava
Plus qu’à essayer ! :p
It personally reminded me very much of being at the dentist with the slightly numbing effect in your mouth and the medical aftertaste. Makes me wish my dentist would have his office under tropical palm trees…
Yeah for sure, taste is not so good. Effects neither by the way. Hmmm, why do they drink that all the time ? 🙂
Kava pour cool là -bas , et cocaïne pour tenir la performance ici….. Deux philosophies des anti poses !
Et après avoir bossé toute l’année sous cocaïne, on peut aller se détendre 10 jours ici en buvant du kava !
Antipodes