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Un peu d’histoire cubaine, suite et fin

Playa Girón → Aéroport de La Havane – 3 h de taxi collectif

Malheureusement, je me dois de quitter ma belle et tranquille Playa Girón. Et même plus de bus à disposition, c’est donc taxi collectif, dans une belle Peugeot 405 jaune pétante, qui rappelle quelques souvenirs d’enfance. Allez, dernière session d’histoire cubaine, voyons un peu ce que va donner cette révolution réussie.

Nous sommes donc en 1959, et Fidel Castro prend les rênes du pays. Il se rend rapidement aux États-Unis, de loin le premier partenaire commercial, pour annoncer qu’il compte bien conserver des relations de bon voisinage, ne prônant alors ni le capitalisme ni le communisme. Mais les premières nationalisations d’entreprises étasuniennes hérissent un peu les gringos. En 1960, un cargo français chargé d’armes, La Coubre, explose dans le port de La Havane, avec de nombreux morts à la clé. On n’en saura jamais vraiment la cause, mais les soupçons se portent rapidement sur la CIA. Le ton monte, et les USA décrètent de premières sanctions économiques. En réponse, l’URSS se déclare prête à défendre l’île contre toute interférence étrangère. En réponse, les USA rompent les relations diplomatiques et imposent un embargo (toujours partiellement en vigueur) début 1962. En réponse, l’URSS commence à installer des missiles nucléaires à Cuba. En réponse, les USA déploient leur marine autour de l’île. En réponse, la Troisième Guerre Mondiale éclate, et l’humanité disparaît dans une gigantesque boule de feu. Euh nan ça c’est le destin de la Terre 23567-B. La nôtre s’en est sortie. Mais de peu.

Outre le coup des missiles, un autre épisode célèbre de l’Histoire va se jouer dans la Baie des Cochons, où je me trouvais jusqu’à ce matin. L’idée de la machiavélique CIA : envoyer secrètement un contingent d’exilés cubains surarmés nostalgiques de Batista établir une tête de pont, afin qu’ils puissent constituer un gouvernement provisoire et demander l’aide officielle des États-Unis, malin. Le débarquement est prévu dans la vaste Baie des Cochons, une zone reculée de l’île. Comme à leur habitude, les Étasuniens sont plutôt confiants dans le succès de leur plan imparable. Mais ce sera un échec cuisant : les envahisseurs sont boutés hors de Cuba en moins de 72 h, et cette glorieuse victoire ne fera que renforcer le régime de Fidel, poussant en prime celui-ci définitivement dans les bras de l’URSS. Ballot.

Du côté de la politique intérieure, on est sur du socialisme « typique », avec ses bons côtés : éducation et soins gratuits pour tous les cubains, nationalisation des grandes propriétés agricoles avec redistribution des terres à la clé, mesures pour renforcer l’égalité entre les races et entre les sexes. Et ses moins bons côtés : parti unique, flicage de la population, internement des opposants, discrimination des homosexuels et des religieux. De nombreux Cubains échaudés quittent le pays, principalement à destination des États-Unis. Par ailleurs, dans les années 60-70, Cuba incarne la réussite exemplaire d’une révolution populaire, et supporte divers mouvements de guérilla de part le monde. Mais aucun n’aboutira de manière aussi éclatante.

Les années 90 sonnent le début des galères : avec la chute de l’URSS, le commerce prend un sévère coup dans l’aile. Le PIB diminue de 35 % !!! Les Cubains découvrent le rationnement, perdent 5 kilos en moyenne, ce qui entraîne ironiquement une réduction de 30 % des maladies cardiovasculaires. Faute de pesticides, l’île redécouvre les bienfaits de l’agriculture biologique, pour le plus grand bonheur de la biodiversité. Et les gens se mettent à pédaler… Cela va néanmoins aller de mal en pis, voire mes articles précédents.

Pour ce qui est de la suite, c’est un Fidel vieillissant qui cède la place à son frère Raúl en 2008, et ce dernier entreprend alors rapidement une modeste modernisation de l’île. Raúl à son tour laisse les rênes de Cuba en 2018 à un sombre inconnu, qui tente désormais vaille que vaille de faire valoir qu’il est l’héritier de la glorieuse révolution de 1959. Mais celle-ci est désormais bien lointaine, et si les jeunes générations respectent les sacrifices de leurs aînés, elles ont du mal à comprendre pourquoi leur pays est toujours sur la touche et souffre autant. L’ouverture est progressive, mais vraiment trop lente aux yeux de beaucoup. Quel avenir désormais pour Cuba ? Espérons qu’il restera quelques Cubains pour répondre à cette question…

2 Comments

  1. P'pa

    On peut effectivement se poser la question de « l’avenir » de ce bout de terre et de son histoire un peu spéciale

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