Santa Clara → Trinidad – 2 h de taxi collectif
Une unique nuit à Santa Clara, le temps de rendre hommage au Che, et me voici déjà reparti, non loin cette fois-ci, à Trinidad, deux heures de taxi collectif à travers la montagne, dans une superbe Chevrolet de 1957. L’occasion de reprendre notre passionnante leçon d’histoire cubaine, avec la révolution castriste au programme ! Personnellement j’étais encore loin d’être né, mais cela devrait peut-être rappeler quelques souvenirs aux lecteurs bénis par les années.
Tout commence officiellement le 26 juillet 1953, lorsque le jeune et fougueux Fidel Castro envoie au casse-pipe une centaine d’étudiants dans l’attaque du Cuartel Moncada. Fidel et son frère Raúl s’échappent, mais sont rapidement rattrapés. Pour l’anecdote, l’aîné Castro assure seul sa défense à son procès (pour rappel, il est avocat de formation), et termine sa longue plaidoirie par ces mots : « Peu importe que je sois condamné, l’Histoire m’acquittera ». Un peu prétentieux, mais classe. Il est effectivement condamné à 15 années de prison, ce qui n’est pas si pire. D’autant qu’il ne purgera finalement que 18 mois, car sous la pression publique, Batista se résout à libérer tous les prisonniers politiques fin 1955. Les deux frangins sont alors exilés au Mexique, où ils se retrouvent entre frères d’armes, et où ils font la connaissance du Che. Leur retour au pays est inéluctable !
Le 2 décembre 1956, 81 guérilleros cubains et un médecin argentin échouent le yacht Granma sur la plage de Las Coloradas, au sud-est de l’île. Sauf qu’ils sont attendus par 2 000 hommes de Batista, oups. Nouveau massacre de révolutionnaires (ne pas trop tenir à la vie si vous faites partie de l’entourage de Fidel), ils ne sont que 12 à s’en sortir, dont les trois protagonistes principaux bien sûr – alors que le dictateur annonce publiquement leur mort. Ils se réfugient dans les hautes montagnes de la Sierra Maestra, difficiles d’accès, où ils se font oublier pour un temps, histoire de reconstituer leurs forces.
Fidel sait qu’il doit désormais obtenir le soutien de la population, sans lequel sa révolution est vouée à l’échec. Le 17 février 57, une interview du charismatique révolutionnaire fait la une du New York Times. Anecdote : durant l’entretien entre Fidel et le journaliste Herbert Matthews, le petit frère se charge d’organiser une véritable pantomime dans le camp, histoire de faire croire à la présence de nombreuses troupes. Un faux messager arrive même en courant pour faire part d’informations importantes concernant la « seconde colonne » – purement fictive à l’époque. N’empêche que l’opération de communication fonctionne, et ces guérilleros motivés deviennent éminemment sympathiques aux yeux de la population locale, qui va progressivement apporter un nécessaire soutien logistique, tandis que de nouveaux volontaires vont commencer à pointer le bout de leur nez dans le camp de fortune.
Histoire de ne pas répéter l’erreur du Cuartel Moncada, Fidel s’attaque désormais à des cibles plus petites, et enchaîne rapidement les succès militaires. En juillet 57, une seconde colonne est belle et bien créée, le Che en devient le commandant. Puis en février 58, ce sont trois nouvelles colonnes qui voient le jour, et les opérations s’étendent désormais à tout l’Oriente, en ébullition. En mai, les troupes du dictateur investissent la Sierra Maestra, histoire de déloger une bonne fois pour toutes ces dangereux agitateurs. En vain. L’armée régulière se retire piteusement début août. Fidel décide alors qu’il est temps de quitter les montagnes. Les 5 mois suivants sonneront le glas de la dictature de Batista.
Les villes de l’est et du centre tombent les unes après les autres. Les rebelles sont nettement moins nombreux (de l’ordre de un pour dix), mais beaucoup plus motivés et entraînés ! La bataille finale se jouera à Santa Clara : si la ville saute, c’est une ligne droite sans obstacle jusqu’à La Havane. En conséquence la dictature y a concentré 350 soldats d’élite lourdement armés, abrités dans un train blindé. Sauf qu’un train, ça a besoin de rails pour circuler… C’est le rusé Che qui se charge de prendre la ville le 31 décembre 58, à l’aide de seulement 18 hommes, de centaines de cocktails molotov, et d’un bulldozer. Ce dernier se contente de soulever les rails, faisant dérailler le train, qui est ensuite bombardé d’engins incendiaires artisanaux. Les soldats, piégés, n’ont d’autre choix que de se rendre. Bilan humain de l’opération : aucune victime à déplorer. Mais Batista sait qu’il a perdu, et il s’enfuit piteusement à Saint Domingue.
Le 1er janvier 1959, les troupes révolutionnaires pénètrent simultanément à Santiago et à La Havane, acclamées par une foule en liesse. Victoire.
À suivre…
Trop drôle le coup de la seconde colonne.
Fake news et propagande ont toujours existé !
Bien sûr, une bonne com’ a toujours fait la différence !