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Zapatistes

San Cristóbal de Las Casas

Le 1er janvier 1994, tandis que le Mexique ratifie un accord de libre-échange avec les États-Unis pour toujours plus de libéralisme destructeur, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) sort de la jungle pour occuper pacifiquement les bâtiments publics de San Cristóbal et d’autres villes alentour : fatigués par des siècles d’oppression, de discrimination, d’exploitation, d’accaparement et de destruction des ressources naturelles par des entreprises étrangères, les indigènes du Chiapas ont jugé qu’il était grand temps de se mettre en marche et de réclamer un monde meilleur.

L’idéologie des Zapatistes repose sur les principes de l’autonomie, de l’horizontalité et de la démocratie participative. Ils rejettent les systèmes de gouvernement centralisés et hiérarchiques, et prônent une forme d’organisation communautaire où chaque individu a une voix égale. Les revendications des zapatistes comprennent la reconnaissance des droits des peuples autochtones, la redistribution des terres aux communautés indigènes, l’accès à l’éducation et à la santé, la protection de l’environnement ainsi que la lutte contre le capitalisme néolibéral. Un beau programme.

Évidemment le gouvernement mexicain ne l’entend pas de cette oreille, et l’armée a tôt fait de déloger tout ce petit monde, qui repart dans la forêt. Au fil des ans, des accords furent négociés mais jamais ratifiés, des massacres furent commis par des paramilitaires armés par les autorités, des populations furent déplacées, des meneurs furent emprisonnés… En vain, le mouvement était lancé, et rien ne semblait devoir l’arrêter. L’EZLN, qui acquit bientôt une stature internationale, finit d’ailleurs par comprendre qu’un gouvernement, quel qu’il soit, n’accepterait de toute façon jamais leurs revendications. Ils se sont donc finalement passés de l’aval de celui-ci, et ont commencé à appliquer leurs préceptes dans 38 « municipalités autonomes rebelles zapatistes », sous l’égide de cinq « conseils de bon gouvernement » siégeant dans chacun des cinq centres régionaux, nommés Caracoles (escargots).

Concrètement, comment ça marche ? Pour résumer, l’autorité commande sans donner d’ordres, parce qu’elle le fait en obéissant aux citoyens. Les fonctions politiques sont conçues comme des « charges » n’offrant ni rémunération ni avantage matériel. Toutes les questions sont débattues et arbitrées en assemblée, soit au niveau communautaire (avec toute la communauté), soit au niveau de la région (avec des représentants ayant une charge). La justice est gérée au niveau municipal, et se base moins sur la punition (qui ne règle rien) que sur une réconciliation négociée. L’éducation est particulièrement importante, et l’activité des enseignants est aussi assimilée à une charge, mais celle-ci étant tellement chronophage que là pour le coup la communauté doit couvrir leurs nécessités matérielles. Bien sûr la société zapatiste se veut particulièrement égalitaire entre les hommes et les femmes, ces dernières ayant été au cœur de la révolution. Dans la Loi révolutionnaire des femmes figure notamment le droit de choisir librement son conjoint tout comme le nombre d’enfants à avoir, l’interdiction de toute forme de violence conjugale, le droit à l’éducation, ou encore une égale participation aux charges communautaires ainsi qu’aux instances politiques de l’organisation…

Il y aurait encore beaucoup à dire… Tout cela est en tout cas assez fascinant. Et le pire, c’est que ça marche ! Le mouvement zapatiste a d’ailleurs largement inspiré la plupart des mouvements altermondialistes plus récents, et d’importants penseurs comme Noam Chomsky soutiennent que le zapatisme est probablement l’initiative politique la plus importante du monde. Espérons qu’elle continue de faire des émules.

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