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Un peu d’histoire nicaraguayenne, suite et fin

Granada → León – 1 h 15 puis 2 h de bus

Deuxième ville historique du Nicaragua, me voici à León la libérale, l’ennemie jurée de Granada la conservatrice. Certaines des pages les plus tragiques de l’histoire du pays se sont jouées ici. Reprenons.

Nous sommes le 17 décembre 1909, et la brève parenthèse libérale a pris fin, suite au financement américain d’une contre-révolution conservatrice. Ils ne se contentent d’ailleurs pas de ce financement : dès 1912 ils envoient des troupes de « maintien de la paix » au Nicaragua, et dirigent en sous-main le pays, obtenant diverses concessions abusives. Mais en 1926, un guérillero charismatique sort de l’ombre, s’opposant à la mainmise américaine. Son nom : Augusto César Sandino. Sa phrase choc : « Si 100 hommes aiment le Nicaragua comme je l’aime, le Nicaragua sera libre ! » Et mine de rien, il parvient à chasser les Ricains du pays en 1933, qui sont alors en pleine Grande Dépression et commencent à avoir d’autres chats à fouetter. La victoire de Sandino sera de courte durée, puisqu’il est assassiné le 21 février 1934.

Phase suivante : la famille Somoza arrive au pouvoir. Une dictature oligarchique assez classique. Anastasio Somoza, un ambitieux multimillionnaire passé par la case « États-Unis », obtient le pouvoir en 1936 de manière parfaitement légale, en ayant copieusement arrosé les bonnes personnes. Sauf qu’il va décider de ne pas le rendre, le pouvoir. Il joue plutôt fin, tolérant une opposition politique du moment qu’elle reste modérée, infiltrant les syndicats, soutenant les Alliés durant la Seconde Guerre Mondiale (ce qui lui permet d’exproprier pour son propre compte les biens allemands, malin). Il est assassiné par un jeune poète libéral en 1956, mais les fils reprennent le flambeau de papa, dans une douce continuité qui mine de rien réussit à tenir jusqu’à la fin des années 70. La phrase choc du deuxième fils : « J’ai une petite ferme, elle s’appelle Nicaragua. » La famille Somoza possède environ 20% des terres agricoles du pays, les plus fertiles…

Troisième étape de ce toujours amusant XXème siècle : l’insurrection sandiniste. D’obédience marxiste mais portant le nom du toujours populaire libéral Sandino, le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) est fondé à Cuba en 1961, et commence à sérieusement faire parler de lui dans les années 70. D’abord à coup de vols de banques et de prises d’otages. Puis ça dégénère progressivement en véritable guerre civile. Que le FSLN remportera en 1979 (en commençant par conquérir León, puis Managua), les États-Unis ayant fini par lâcher le régime de Somoza, devenu particulièrement impopulaire. Au début ça part plutôt bien : redistribution des terres, campagne d’alphabétisation, amélioration du système de santé, vaccination massive… Oui mais voilà : un deuxième pays coco en Amérique après Cuba, c’est niet pour les Ricains. Ils vont donc financer secrètement les Contras, des contre-révolutionnaires armés agrégeant tous les mécontents du régime sandiniste. Oui l’histoire bégaye. Et c’est reparti pour la guerre civile. En 1986, la Cour internationale de justice condamne les États-Unis à verser 17 milliards de dédommagements au Nicaragua pour les dégâts causés par les Contras. Bien sûr ils ne payeront jamais.

Lors des élections de 1990, Daniel Ortega, le leader sandiniste, est battu à la loyale. Retour à l’économie de marché, sous la supervision du FMI, de la Banque Mondiale, et des États-Unis bien sûr. Les riches redeviennent riches. Les pauvres redeviennent pauvres. Les présidents successifs détournent des fonds. La famine frappe le pays. Tout rentre dans l’ordre. 60ème sur l’échelle du développement humain des Nations unies en 1990, le Nicaragua descend au 116ème rang en une décennie. Ça fait rêver…

Fin de l’histoire ? Presque. Puisqu’en 2006 Ortega prend sa revanche et est réélu dès le premier tour (il avait perdu les autres élections depuis 90). Ah mais c’est cool ça ! Eh bien oui et non. Car c’est effectivement le retour en force des progrès sociaux, éducation et santé en tête (les soins sont complètement gratuits au Nicaragua, et de bonne qualité). La situation sécuritaire est aussi exemplaire par rapport aux pays voisins, ravagés par les gangs. Et les famines ne sont rapidement plus qu’un lointain souvenir… Maiiis (oui malheureusement il y a un petit mais) Ortega devient de plus en plus autoritaire au fil de ses mandats, qu’il enchaîne en remportant des élections plutôt contestables. Avec notamment en 2018 des manifestations violemment réprimées qui font fuir les touristes… Un certain Donald T. signe d’ailleurs un décret à l’époque (oui il aime bien les décrets) déclarant le gouvernement du Nicaragua « menace pour la sécurité nationale des États-Unis », et restreignant l’accès du pays aux prêts internationaux. Pas encore gagné tout ça… Ortega est actuellement toujours au pouvoir, 4ème mandat en cours.

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