Moyogalpa (Île d’Ometepe)
Vous êtes là, en train de vous prélasser sur l’une des nombreuses plages de sable noir qui bordent l’île d’Ometepe, contemplant les eaux tranquilles du gigantesque lac Nicaragua, dont la rive opposée n’apparaît qu’à travers les sommets de lointains volcans. Quand soudain, vous croyez apercevoir non loin un aileron fendre la surface. Ah ah, décidemment le petit daiquiri de l’apéro me fait plus tourner la tête que prévu ! C’est cette chaleur aussi… Mais non je ne rêve pas, revoilà cet aileron, et il semble se diriger vers ce groupe de baigneurs là-bas. Sortez de l’eau, un requin !!! Plus vite, il arrive !!!
Scénario de science-fiction ? Pas complètement. Car ce lac accueille bien en son sein une espèce de requin. Et pas n’importe lequel : le requin-bouledogue, l’un des seuls à être potentiellement dangereux pour l’homme (en tout seulement 5 espèces sur 400, mais bon, la peur du requin est profondément implantée dans notre cortex). Au début les scientifiques ont cru qu’ils étaient en présence d’un étonnant requin endémique d’eau douce, Carcharhinus nicaraguensis (oui il avait même eu son petit nom). Mais en fait non, il s’agit bien d’une espèce marine classique, qui remonte le rio San Juan depuis la mer des Caraïbes, et se plaît particulièrement dans les eaux douces et légèrement turbides du lac.
Pendant longtemps, ce seigneur aquatique fascina les populations locales, sujet de nombreuses légendes, le protecteur du lac prélevant à l’occasion un tribut humain. Mais au début du XXème siècle, les marchands chinois qui débarquèrent ont clamé qu’ils étaient prêts à payer un bon prix pour les ailerons, jusqu’à 70 $ le kilo. Une manne inespérée pour un pays particulièrement pauvre ! Alors le massacre commença. Le foie (pour sa vitamine A) et la peau (un cuir de bonne qualité) étaient aussi vendables. Le reste ? Pour les chiens. Ou comme fertilisant. Un incroyable gâchis. En 1969, une riche famille décida même de créer une « usine à requins » à Granada : on estime que durant ses 10 années d’existence, plus de 20 000 animaux y furent dépecés.
Puis les prises se firent de plus en plus rares. Et s’arrêtèrent complètement. Certains pêcheurs affirment qu’il en subsiste encore quelques-uns dans les eaux profondes, le plus loin possible des rives et de ses dangereux occupants. Désormais protégés, et donc sans prédateurs, il est possible que la population de ces requins croisse à nouveau et qu’ils envisagent un jour de revenir nous rendre une petite visite. En attendant, baignez-vous en paix braves humains, grâce à vos congénères, les ailerons ont disparu de la circulation.












Vivement que les humains disparaissent de la planète….
Ça ne saurait tarder…