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Leçon du jour IX

Taipei

Je n’allais quand même pas quitter Taïwan sans le petit article didactique de rigueur, faut pas déconner.

L’île se trouve dans la continuité directe de l’archipel japonais. Forme ovale, 370 x 140 km ; 2/3 de hautes montagnes à l’est, couvertes de forêts (point culminant à 3952 m, plus haut sommet d’Asie en dehors de l’Himalaya…) ; 1/3 de plaines à l’ouest, couvertes de cultures et d’agglomérations, où s’entassent quelques 23 millions d’habitants (5 fois la densité de la France). Pas de volcans actifs, mais des séismes fréquents (un joli 7,5 en avril…) et des typhons à l’avenant. Voilà, ça c’est pour la géographie.

Du côté de l’histoire, c’est plutôt récent. Pendant fort longtemps, l’île n’est occupée que par quelques groupes d’aborigènes, des tribus d’origine austronésienne qui vivotent tranquillement dans leur coin. Les Chinois semblent en avoir connaissance, mais ont pour le moment bien assez de place sur le continent, pas besoin d’aller défricher au large. Côté européen, ce sont les navigateurs portugais qui découvrent le coin en 1542, et nommeront l’île « Formosa » (nom qui restera en usage jusqu’à récemment). Chose étonnante, ils n’essayeront pas de la coloniser. Ce sont en revanche les Japonais qui tentent leur chance début XVIIème, mais ils se font repousser par les locaux, qui semblent préférer leur vie fruste aux bienfaits de la civilisation… Et ce seront finalement les Hollandais de la Compagnie des Indes qui s’implanteront les premiers sur l’île à partir de 1624. Voilà, Taiwan vient de rentrer dans l’histoire.

Durant la relativement brève période hollandaise, des paysans chinois sont incités à venir s’occuper des terres encore massivement vierges de l’île : le début de la fin pour les aborigènes, qui ne représentent plus aujourd’hui qu’à peine 2% de la population taiwanaise. C’est Koxinga, un célèbre pirate, qui va chasser les Hollandais en 1662, et devenir le féroce despote d’un petit royaume. Bon il meurt 4 mois après sa victoire, c’est ballot, mais son fils continuera dans la même veine. Sauf que les Qing, qui ont pris le pouvoir en Chine, ne voient pas d’un très bon œil cette île rebelle, et vont finalement l’intégrer à l’empire en 1683 après une écrasante victoire. Pendant près de deux siècles, il ne se passe à nouveau pas grand-chose, si ce n’est un accroissement régulier de la population chinoise au détriment des aborigènes, qui se font petit à petit spolier leurs terres, un classique dans l’histoire mondiale.

Au XIXème, l’île est le théâtre de divers conflits, dont la campagne des Pescadores en 1885 lors de la guerre franco-chinoise. Perso je n’ai jamais appris ça à l’école, j’imagine que ce serait trop long d’étudier toutes les guerres françaises… Mais la menace principale viendra finalement du nord : le Japon, récemment sorti de son isolationnisme, défait les Qing, qui sont obligés de céder Taïwan en 1895. Les Japonais ne sont pas vraiment les bienvenus, et vont devoir mater de la révolte à tour de bras. Ils finiront néanmoins par s’imposer aux élites locales, et transformeront fortement l’île en peu de temps, industrialisation à marche forcée. Ce jusqu’en 1945 bien sûr. Retour à la Chine !

Fin de l’histoire ? Oh que non, c’est même là que ça se complique. Car la Chine est en pleine guerre civile, nationalistes (Tchang Kaï-chek) VS communistes (Mao Zedong). En 49, la victoire des communistes est totale sur le continent, et Tchang Kaï-chek est obligé de trouver refuge à Taïwan, dernier bastion nationaliste. Bon puisque c’est comme ça il se proclame dirigeant à vie de la République de Chine, à savoir Taïwan plus potentiellement toute la République Populaire de Chine, à savoir la Chine continentale, s’il arrive à la reconquérir un jour, le type ne désespère pas… Bien sûr il gouverne l’île d’une main de fer, et écrase toute opposition potentielle.

Pendant un temps, le statut international des deux pays est un peu flou, mais en 1971 l’ONU finit par trancher : ce sera la République Populaire de Chine, point barre, Taïwan n’est qu’une province rebelle. Comme ça c’est clair. Faut dire aussi que 1 milliard d’habitants VS 20 millions, ce ne sont pas les mêmes débouchés commerciaux. Toujours est-il que ça ne fait ni chaud ni froid aux Taïwanais, en plein boom économique. D’ailleurs Tchang Kaï-chek finit par décéder en 1975, et à partir de là la « province rebelle » va progressivement devenir le bon élève que l’on connaît aujourd’hui : démocratie exemplaire (suffrage universel direct en 1996), liberté d’expression garantie, droits LGBT avancés (premier pays d’Asie à autoriser le mariage homosexuel en 2019)… Bon la peine de mort n’est pas encore abolie, mais c’est en cours. Bref, de quoi profondément irriter le voisin totalitaire. Qui finira peut-être par récupérer son île. Avec la bénédiction de l’ONU ? Cela reste à voir. En tout cas une réunification pacifique semble de plus en plus illusoire, tant les populations de part et d’autres du détroit connaissent désormais des destins diamétralement opposés !

4 Comments

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